Imagerie hyperspectrale : voir l'invisible

Distinctions Signal Image

Jocelyn Chanussot, Professeur à l’INP Grenoble, membre du laboratoire Grenoble Image, Parole, Signal, Automatique (GIPSA-lab - CNRS/Grenoble INP/Université Grenoble Alpes), s’est récemment distingué au sein du classement des Highly Cited Researchers 2019 réalisé par le Web of Science Group. Focus sur ses travaux de recherche qui couvrent un large spectre de méthodes en traitement de l'information, pour des applications allant du suivi de la pollution à l’observation d’exoplanète !

L'imagerie hyperspectrale consiste à acquérir l'intensité lumineuse émise par un matériau dans de nombreuses (typiquement plusieurs centaines) longueurs d'ondes différentes, pouvant couvrir le spectre électromagnétique du domaine visible au proche infrarouge, voir dans le domaine thermique. Ainsi, pour chaque pixel, nous disposons d'une caractérisation du matériau sous la forme d'un vecteur à plusieurs centaines de dimensions. De la même manière que l'information de couleur permet de distinguer des matériaux différents qui auraient la même intensité lumineuse et qui ne seraient donc pas différentiables avec une image en noir et blanc, l'imagerie hyperspectrale permet de distinguer finement des matériaux qui pourraient apparaître identiques à l'œil nu ! Les applications sont multiples et variées : dans le domaine biomédical pour l'analyse de pathologies de la peau, en agriculture de précision pour caractériser un stress hydrique ou la détection précoce de parasites, pour l'observation de l'environnement avec la détection et le suivi de la pollution, de la qualité de l'air, jusqu'à la chasse aux exoplanètes en astrophysique... Les progrès technologiques récents ont grandement popularisé ce type d'imageurs, désormais embarqués sur des satellites, des drones ou pour des études in-situ.

Cependant, le traitement optimal de ces données est rendu particulièrement complexe par la grande dimension des données. Évoluant dans un espace à plusieurs centaines de dimensions, les données ont des propriétés statistiques bien différentes des données habituellement manipulées en télédétection. Si on considère une grande image, il est par exemple presque certain qu'il n'existera pas deux pixels avec la même valeur. Comment alors calculer une simple matrice de covariance ou un histogramme ? Depuis une quinzaine d'années, je me suis donc attaché à développer des méthodes de traitement et d'analyse innovantes visant à extraire l'information de données hyperspectrales. Les problématiques rencontrées concernent différents aspects. 

Les travaux de recherche de Jocelyn Chanussot ont donc des applications variées. Par exemple, pour le débruitage des données qui peuvent se retrouver fortement bruitées car celles-ci sont particulièrement sélectives en termes de longueurs d’onde lors de leur mesure. Ou encore la classification des données, qui est l'affectation de chaque pixel à une classe – un matériau – donné, de manière supervisée ou non.

Autres exemples d’applications : le démélange spectral ou l'identification au sein d'une même mesure des différents composés qui sont mélangés et l'estimation de leurs abondances respectives. Enfin, il est possible de citer également la compression. Même si les mesures sont effectuées sur plusieurs centaines de longueurs d'ondes, la dimension intrinsèque des données est bien plus petite. Estimer cette dimension intrinsèque permet, d'une part, d'estimer le nombre de composants purs présents dans un mélange, mais ouvre également la voie à une compression efficace des données, ce qui est capital tant pour le stockage que pour la transmission de ces images, depuis une plateforme satellitaire par exemple.

NEO / Hyspex - https://www.hyspex.com/
© NEO / Hyspex - https://www.hyspex.com/

Pour traiter ces problèmes, des méthodes avancées de traitement de l'information ont été développées. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, les techniques d'apprentissage profond (deep learning) et d'intelligence artificielle jouent un rôle crucial. Mais il est également primordial de considérer la spécificité de ces données, qui ne sont pas qu'une simple abstraction mathématique, une matrice à trois dimensions qui aurait été générée par un logiciel de calcul scientifique. Et pour cause, ces données proviennent d'un objet physique, observé dans des conditions réelles par un instrument. Ainsi, les travaux de Jocelyn Chanussot touchent à des enjeux de pluridisciplinarité : quel est l'impact de l'atmosphère sur les observations, comment les données sont-elles calibrées, etc. ? Tous ces aspects sont abordés par le biais de collaborations et de discussions indispensables avec des experts des différents domaines applicatifs.

Depuis 2009, Jocelyn Chanussot organise une conférence internationale, WHISPERS (Workshop on Hyperspectral Image and Signal Processing : Evolution in Remote Sensing) avec le soutien de la société savante IEEE : cet événement annuel s'est rapidement imposé comme le rendez-vous annuel de la communauté internationale spécialisée sur ce sujet. Depuis deux ans, la conférence scientifique est couplée avec un salon professionnel, SpectroExpo, permettant ainsi un rapprochement avec le monde industriel.  

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Jocelyn Chanussot
Professeur à l'INP Grenoble, membre du GIPSA-lab