Dis-moi ce que tu crois, je te dirai ce que tu as entendu

Résultats scientifiques Informatique

Vous apercevez quelqu'un venant faire une annonce à un groupe, mais vous êtes trop éloigné pour entendre ce qu'il se dit. Est-il possible de déduire l'annonce qui a été faite en se basant sur les croyances des personnes présentes avant et après cette annonce ? Dans la publication "What Has Been Said?" présentée à IJCAI en août 2019, les chercheurs présentent leur méthode pour réaliser cette déduction.

Pour permettre une telle déduction, il faut supposer que chaque personne présente, appelée « agent », fait évoluer rationnellement ses croyances. Par évolution rationnelle, on fait référence à la théorie de la révision des croyances, largement développée en philosophie et en intelligence artificielle depuis plus de trente ans. Cette théorie formalise que la prise en compte d’informations nouvelles (ici l'annonce qui a été faite) venant contredire les croyances actuelles doit conduire à supprimer un « minimum » des croyances passées de façon à assurer la cohérence de l’ensemble.

Les chercheurs ont montré que l’annonce réalisée peut être approchée sous forme d’un intervalle logique dès que les agents mis en jeu sont rationnels. Si l'on a plus d'informations sur la façon de raisonner de chaque agent, en particulier si l'on connaît leurs opérateurs de révision, ou si l'on connaît le sujet sur lequel porte l'annonce, la précision de cet intervalle logique augmente.

Les chercheurs ont réalisé également des expérimentations afin de déterminer le nombre d'agents à prendre en compte pour identifier exactement l'annonce. Celui-ci se révèle relativement modeste : une quarantaine d'agents suffit lorsque l'on ne connait pas les opérateurs de révision utilisés par les agents, et seulement une vingtaine lorsqu'on les connaît, quand le langage employé se base sur une dizaine de variables propositionnelles — ce qui correspond à plus de 10300 annonces possibles.

Les résultats obtenus pourraient s’appliquer à une large palette de contextes, par exemple pour identifier au mieux les annonces transmises par des tiers à un groupe d’agents au sein d’un réseau social, en s’appuyant sur la façon dont les avis exprimés par les agents évoluent. Cela pourrait être utile, en particulier, pour lutter contre les fake news.

L'hypothèse selon laquelle l'ensemble des croyances de tous les agents avant et après l'annonce est accessible peut sembler forte pour certaines applications. Toutefois, les résultats obtenus sont encourageants, puisqu'une quarantaine d'agents est souvent suffisant pour identifier l'annonce, sans donc qu'il y ait besoin d'interroger chaque agent du groupe si ce groupe est beaucoup plus large. Les chercheurs s’attachent maintenant au problème d'optimisation associé : en supposant que chacune des interrogations a un coût, quelle est la stratégie d'interrogation la plus économique à adopter pour identifier l'annonce ?

 

Publication :

What Has Been Said? Identifying the Change Formulain a Belief Revision Scenario, Nicolas Schwind1 ,Katsumi Inoue2 , Sébastien Konieczny3 , Jean-Marie Lagniez3 , Pierre Marquis3 4


 
  • 1National Institute of Advanced Industrial Science and Technology, Tokyo, Japan
  • 2National Institute of Informatics, Tokyo, Japan et Tokyo Institute of Technology, Tokyo, Japan
  • 3 a b c Centre de Recherche en Informatique de Lens (CRIL -CNRS/Université de l'Artois)
  • 4Institut Universitaire de France

Contact

Sébastien Konieczny
Directeur de recherche CNRS au CRIL
Pierre Marquis
Professor at Université d'Artois, member of CRIL
Jean-Marie Lagniez
Maître de conférence à l'Université d'Artois, membre du CRIL