Elham Kashefi, lauréate du prix Margaret Intrapreneur Europe
La neuvième édition de la Journée de la Femme Digitale s'est déroulée le 8 mars dernier à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes. C'est lors de cette cérémonie, organisée à distance en raison de la crise sanitaire, qu’ont été révélées les lauréates 2021 des Prix les Margaret1 qui récompensent chaque année des femmes actives dans le secteur du numérique. Directrice de recherche CNRS au laboratoire LIP6 (CNRS/Sorbonne Université), Elham Kashefi s'est vue remettre le prix Margaret intrapreneur Europe. Une distinction qui salue ses nombreuses contributions scientifiques en matière de cloud computing quantique et sa capacité à établir des passerelles entre recherche théorique et applications industrielles dans ce domaine très prometteur.
- 1Créé en 2013, le Prix les Margaret rend hommage à Margaret Hamilton, informaticienne à la NASA ayant contribué aux premiers pas de l’Homme sur la Lune
Depuis quelques années, l'informatique quantique s'impose comme un axe de recherche stratégique. Dotée d'une puissance et de capacités de calcul plusieurs millions de fois supérieures à celles de l'informatique classique, cette technologie de rupture suscite un intérêt grandissant de la part de nombreux secteurs industriels. Ce domaine de recherche d'avant-garde est celui qu'explore Elham Kashefi depuis maintenant deux décennies. « Mes premiers travaux qui portaient sur le calcul quantique basé sur la mesure (MBQC) ont permis de distinguer les aspects classiques et ceux proprement quantiques de cette approche innovante qui permet d'encoder le calcul quantique d'une manière fondamentalement différente », explique la directrice de recherche CNRS au LIP6.
Avec l'aide d'Anne Broadbent, mathématicienne à l'Université d'Ottawa (Canada), et Joseph Fitzsimons, chercheur en physique théorique au Center for Quantum Technology (Singapour), Elham Kashefi étudie par la suite la possibilité de développer une application capable de mettre à contribution les propriétés remarquables du MBQC. Cette collaboration aboutit en 2009 à la découverte du protocole universel d'informatique quantique aveugle (UBQC). « Ce résultat scientifique important est à la base de mes recherches actuelles sur le cloud computing quantique », précise la directrice de recherche CNRS. Offrant des avantages qui ne peuvent pas être obtenues par des technologies classiques, l'UBQC a en outre démontré sa suprématie quantique par rapport à un superordinateur conventionnel. Par ailleurs, divers cas d'usage de cette technologie dans les domaines des télécommunications et de la cryptographie quantique ont récemment été mis en évidence par Elham Kashefi et son équipe.
Au sein du LIP6, la chercheuse s'intéresse à tous les champs du cloud computing quantique, depuis les questions les plus théoriques jusqu'aux perspectives d'utilisation dans le secteur industriel. « Cela concerne aussi bien l'étude de nouvelles fonctionnalités telles que le calcul multipartite sécurisé que l'adaptation à diverses plates-formes matérielles émergentes comme les pièges à ions ou les qubits supraconducteurs », détaille la scientifique. Au travers de la start-up VeriQloud, qu'elle a co-fondée en 2017 avec Mark Kaplan, spécialiste en cryptographie, et Josh Nunn, spécialiste en optique quantique, Elham Kashefi s'efforce d'appliquer ses découvertes au domaine de la cybersécurité quantique.
« Face à l'augmentation permanente de la valeur des données que les entreprises stockent dans le cloud, il devient impératif de renforcer les dispositifs de sécurité destinés à les protéger, constate la chercheuse.VeriQloud a développé une architecture de réseaux quantiques permettant à n'importe quel type d'infrastructure cloud de bénéficier des avantages de la cybersécurité quantique.» En parallèle, Elham Kashefi continue d'explorer le potentiel de cette approche de codage et de calcul développée par VeriQloud dans l'objectif de relever l'un des grands défis du XXIe siècle : celui de la confidentialité des données échangées sur Internet. « En tant que citoyenne, j'estime que la protection de la vie privée est un droit fondamental y compris sur le web, souligne-t-elle. Or je suis convaincue que la technologie quantique et en particulier nos recherches sur le cloud computing quantique sont en mesure d'apporter des réponses concrètes à ce véritable enjeu de société. »