Aurélie Bugeau : pour un traitement plus efficace des photos anciennes et une étude des impacts environnementaux de l’IA
Spécialiste du traitement des archives photos et vidéos, Aurélie Bugeau, professeure à l’Université de Bordeaux et membre du Laboratoire bordelais de recherche en informatique (LaBRI - CNRS/Bordeaux INP/Université de Bordeaux) a été nommée membre junior de l’Institut universitaire de France (IUF), à une chaire innovation. Cela lui permettra de développer des algorithmes de traitement d’image plus efficaces, et également de développer son autre axe de recherche, dédié à l’empreinte environnementale du numérique.
Elle donne une nouvelle vie aux photographies et vidéos d’archives. Aurélie Bugeau, du LaBRI, conçoit en effet des algorithmes pour le traitement et l’analyse d’images, principalement destinés à leur restauration. Ces outils permettent notamment de coloriser les documents en noir et blanc.
Aurélie Bugeau travaille également sur l’inpainting, des techniques semi-automatisées pour reconstruire des données manquantes ou enlever un élément gênant d’une image. Il s’agit par exemple de retirer les taches d’une photographie mal conservée et de remplir, de manière la plus réaliste possible, les vides qu’elles laissent.
« Ces travaux passent par la conception d’algorithmes qui automatisent ces tâches, mais je dois offrir à l’utilisateur les moyens de travailler de façon plus interactive, précise Aurélie Bugeau. Un historien peut ainsi reconnaître une robe ou une médaille sur une photo en noir et blanc, savoir quelles sont leurs véritables couleurs, et apporter ses connaissances aux algorithmes automatiques. Il faut aussi pouvoir prendre en compte les spécificités des époques, car une IA entraînée sur des images des années 1920 ne va pas fonctionner correctement sur des polaroïds des années 80, les défauts et les artéfacts étant très différents. »
Aurélie Bugeau a dirigé plusieurs projets de recherche, dont l’Initiative d’excellence SEDUCTION1 , sur l’analyse des expressions faciales afin d’intégrer le langage non verbal dans la communication en contexte multiculturel, ou encore le projet ANR PostProdLEAP, centré sur la restauration d’archives vidéos. Dans le cadre de l’Institut universitaire de France, Aurélie Bugeau travaillera sur des algorithmes de restauration fonctionnant avec des réseaux de neurones, entraînés à partir de jeux de données restreints. Ces outils permettront par exemple à l’utilisateur d’ajouter des traits de couleur ou autres informations additionnelles sur l’image, afin de guider l’IA qui n’aura ainsi pas besoin d’être assez poussée pour tout trouver toute seule.
- 1Social affects discrimination using combined acoustic and visual information.
Depuis quelques années, Aurélie Bugeau opère cependant un virage dans ses travaux, en s’intéressant de plus en plus à l’impact environnemental du numérique. Elle a d’ailleurs rejoint le groupement de service (GDS) EcoInfo « Pour une informatique éco-responsable » du CNRS.
« J’étudie surtout les conséquences environnementales du recours de plus en plus courant aux intelligences artificielles, ajoute Aurélie Bugeau. Je regarde aussi s’il est soutenable de tout numériser dans le monde d’aujourd’hui. » Sa nomination à l’IUF lui permettra d’associer harmonieusement ces deux facettes.
Aurélie Bugeau souhaite ainsi faire avancer les études sur les impacts environnementaux des intelligences artificielles, qui se concentrent actuellement surtout sur la consommation énergétique des serveurs lors des phases d’entraînement. « Je veux aller plus loin et prendre en compte toutes les étapes du cycle de vie du matériel nécessaire à l’apprentissage automatique, ainsi que les effets rebonds, affirme Aurélie Bugeau. En effet, le développement de nouvelles technologies incite à les utiliser et à s’équiper pour le faire, ce qui a un coût pour l’environnement. Ma nomination à l’IUF va me donner plus de temps pour explorer ces thématiques, car les changements d’axes de recherche demandent toujours de se former sérieusement afin de les aborder correctement. »