ERC Starting Grant : David Gueorguiev met ses recherches au service d’une haptique frugale

Distinctions Informatique

Comprendre la perception de nos sens, identifier les meilleures façons de les stimuler et fournir une boîte à outils à la communauté de l'interaction humain-machine. Ce sont les objectifs du projet TANGO, dirigé par David Gueorguiev, chargé de recherche CNRS à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR - CNRS/Sorbonne Université). Ces recherches sont soutenues par un financement ERC Starting Grant.

Chaud, froid, humide, sec, rugueux, doux… le sens du toucher est le plus complexe à reproduire en ingénierie tant les sensations qu’il procure sont diverses et peuvent survenir sur l’ensemble de notre peau. Une des difficultés majeures de l’haptique est donc de concevoir des appareils à même de reproduire toute cette richesse. David Gueorguiev, chargé de recherche CNRS à l’ISIR, s’intéresse à l’haptique dans un cadre multisensoriel. Autrement dit, il étudie comment les interactions entre le toucher et nos autres sens influencent notre perception de textures, d’objets, etc. Alors qu’une des approches consiste à mettre toujours plus de stimulations tactiles pour s’approcher de la réalité, le chercheur promeut, au contraire, l’idée d’une haptique frugale. Ou comment atteindre plus de réalisme en faisant le moins d’haptique possible.

J’explore comment l’interaction entre le toucher et les autres sens influence notre perception des objets qui nous entourent.

Cette ambition est au cœur de son projet TANGO1 qui vient d’obtenir une bourse ERC Starting Grant, attribuée par le Conseil européen de la recherche. « Mon objectif est de développer un modèle computationnel d’intégration multisensorielle. Il s’agirait d’une sorte de boîte à outils pour les designers en interaction humain-machine (IHM) dans laquelle ils piocheraient la meilleure combinaison de stimuli haptiques et la résolution nécessaire afin de recréer une sensation tactile voulue », explique David Gueorguiev. Par exemple, faut-il combiner tous les stimuli comme des vibrations, un retour de force et la souplesse d’un appareil pour transmettre une illusion parfaite ? Non, car le cerveau peut être facilement trompé au point d’avoir l’illusion d’interagir avec un signal plus complexe que celui qui lui est soumis en réalité. Reste à trouver et prioriser le stimulus qui prend le dessus sur les autres.

  • 1Computational Modelling of Tangible Objects on Multisensory Interfaces
Mon objectif sera de trouver les dimensions tactiles qui contribuent le plus au réalisme d’une interaction et la résolution à partir de laquelle il n’y a plus de gain dans la qualité de la perception.

Pour cela, David Gueorguiev s’appuiera sur sa double expertise en haptique et en neurosciences. Une première étape consistera à créer une grande base de données de perception sensorielle issue d’expériences auprès de divers profils de personnes (âges et genres différents, déficience sensorielle ou non, etc.). Il utilisera alors des méthodes de psychophysiques qui permettent de relier la physique d’une stimulation à la perception des utilisateurs. « Souvent, ces expériences se concentrent sur les paramètres des interfaces utilisées. Je préfère définir la stimulation du point de vue des sens et des signaux physiques qui leur sont transmis. Donc comment la peau va vibrer ? Quelle va être la déformation créée lors de cette interaction ? », décrit le chercheur. Se focaliser sur les sens permettra ainsi d’établir des lignes directrices transposables d’une interface à une autre. Le modèle sera ensuite testé et validé sur plusieurs cas d’usage.

Les retombées potentielles à long terme sont nombreuses. À commencer par la réalité virtuelle qui a du mal à créer des retours haptiques riches permettant aux utilisateurs de se mouvoir dans l’espace ou d’interagir avec des objets. Autres exemples : les écrans dans les musées pour créer de nouvelles interactions avec le public, les cartes multisensorielles augmentées permettant à des personnes ayant une déficience visuelle d’apprendre le plan d’un bâtiment, ou encore les tableaux de bord tactiles des voitures afin de maintenir la concentration des conducteurs sur la route. À David Gueorguiev de conclure : « j’étais déjà très heureux d’avoir trouvé une idée intéressante avec un impact potentiel sur la société et le fait qu’elle soit validée par un jury international et la communauté scientifique m’encourage à poursuivre de plus belle dans cette voie ».

Contact

David Gueorguiev
Chargé de recherche CNRS à l'ISIR