La programmation génétique au défi des images biomédicales

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Avec des fonctions mathématiques et informatiques en guise de gènes, la programmation génétique s’appuie sur les fondements de l’évolution darwinienne pour générer automatiquement des programmes efficaces au regard d’une tâche donnée. Sylvain Cussat-Blanc, professeur à l’Université Toulouse Capitole et membre de l’Institut de Recherche en Informatique de Toulouse (IRIT - CNRS/INP Toulouse/Université Toulouse 3 Paul Sabatier) veut développer et consolider les points forts de cette méthode pour qu’elle puisse aider aux diagnostics médicaux. Il a pour cela décroché une chaire fondamentale de cinq ans à l’Institut universitaire de France (IUF).

Les progrès constants de l’intelligence artificielle (IA) se nourrissent de diverses inspirations, dont l’évolution elle-même. Sylvain Cussat-Blanc, professeur à l’Université Toulouse Capitole et membre de l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT - CNRS/Toulouse INP/Université Toulouse 3 Paul Sabatier), a d’abord travaillé à l’interface entre informatique et biologie, avant d’orienter ses thèmes de recherche vers la programmation génétique.

«Cette approche génère des programmes en s’inspirant des grands principes de l’évolution, précise Sylvain Cussat-Blanc. En guise de gènes, on utilise des bibliothèques de fonctions mathématiques que l’on choisit selon la tâche prévue pour le programme. L’ordre et les liens entre les fonctions sont d’abord produits aléatoirement pour former une centaine de programmes. Ces solutions sont testées par rapport au problème à résoudre : les plus efficaces sont alors conservées puis modifiées au hasard, par mutation et croisement génétiques, puis nous trions les nouveaux résultats. Ces opérations d’optimisation sont répétées jusqu’à ce que nous ayons obtenu, par pression évolutive, un programme aux performances souhaitées.»

Sylvain Cussat-Blanc a récemment montré que la programmation génétique est une vraie alternative à l’apprentissage profond en termes de performances pour l’analyse des images médicales par exemple, mais avec un degré d’explicabilité et d’interprétabilité bien plus important que certaines approches en IA, point clé pour l’aide à la décision médicale.

Alors que la programmation génétique repose sur de nombreux développements déjà disponibles, l’apprentissage profond doit à chaque fois réinventer la roue.

Les algorithmes obtenus par programmation génétique sont toujours lisibles, puisqu’ils restent fondés sur les mêmes fonctions que s’ils avaient été codés à la main. Sylvain Cussat-Blanc a également montré que les programmes ainsi créés ont besoin, pour apprendre une tâche, de beaucoup moins de données que ceux issus de l’apprentissage profond.

Fort de ces résultats, Sylvain Cussat-Blanc a été nommé à une chaire fondamentale junior de l’Institut universitaire de France (IUF). Il va profiter de ces cinq années de décharge de cours pour mener un projet en trois volets. «Je vais d’abord me concentrer sur la frugalité de la programmation génétique, poursuit l’enseignant-chercheur. Je souhaite exploiter la faible puissance de calcul demandée par cette méthode, par rapport à l’apprentissage profond, pour qu’elle puisse fonctionner sur de simples ordinateurs de bureau, voire sur des systèmes embarqués.»

En acceptant une solution seulement 5 % moins efficace, la programmation génétique peut produire une solution qui consomme dix fois moins de temps de calcul. 

Sylvain Cussat-Blanc compte ensuite améliorer l’interprétabilité des résultats en cherchant des méthodes pour que les programmes obtenus soient moins compliqués et plus proches de la logique des humains. Et cela sans, bien entendu, affecter leurs performances. Enfin, il va travailler à une certification automatique des logiciels, c’est-à-dire à accompagner leurs réponses d’une preuve mathématique de leur validité. Cette étape est essentielle pour une utilisation acceptable dans des domaines critiques, tels que le diagnostic médical.

«Nous devons éliminer le risque d’erreurs et ce alors que nos algorithmes doivent souvent s’entraîner sur des données complexes, en faibles quantités et difficiles à annoter», note Sylvain Cussat-Blanc. Il a ainsi commencé à travailler sur des données issues d’expériences de biologie, ainsi que sur l’étude des tissus de mélanomes. Un projet est également en cours pour créer des algorithmes permettant d’analyser des images 3D du cerveau à partir d’IRM, afin d’aider des médecins réanimateurs. À plus long terme, Sylvain Cussat-Blanc compte traiter d’autres données que des images, telles que des données cliniques et biologiques, élargissant le champ d’application de la programmation génétique.

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Contact

Sylvain Cussat-Blanc
Professeur à l'Université Toulouse 1 Capitole, membre de l'IRIT