Jamal Daafouz, une chaire pour une pollution harmonique sous contrôle
Jamal Daafouz est professeur à l’Université de Lorraine et membre du laboratoire CRAN (CNRS/Université de Lorraine). Il développe des méthodes d’analyse de stabilité et de contrôle optimal pour les systèmes autonomes. Nommé à l’Institut universitaire de France, il va mener un projet centré sur le développement de nouvelles méthodes de contrôle prenant en compte les dynamiques des harmoniques fréquentes dans les systèmes technologiques ou biologiques.
En 1995, un grand nombre de trains régionaux suisses se retrouvent soudainement mis à l’arrêt par un système de protection automatique. La cause ? De nouvelles locomotives utilisaient des convertisseurs d’énergie à haute fréquence générant des courants harmoniques élevés. « On parle de pollution ou de distorsion harmonique. Ce sont des signaux indésirables qui apparaissent dans de nombreux systèmes caractérisés par des comportements périodiques en interaction. Ils sont très présents dans le domaine de la gestion d’énergie ou encore les neurosciences », explique Jamal Daafouz, professeur en automatique à l’Université de Lorraine.
Les recherches de ce dernier visent à développer des méthodes d’analyse de stabilité et de contrôle optimal qui prennent en compte des phénomènes complexes comme les distorsions harmoniques. Depuis 2015, avec son collègue Pierre Riedinger, également professeur à l’Université de Lorraine et membre du CRAN, Jamal Daafouz collabore notamment avec Safran sur le contrôle de chaînes d'actionnement électrique. Composée d'un ensemble de systèmes énergétiques interconnectés, la chaîne d’actionnement électrique constitue une partie du réseau électrique dédiée à l'alimentation d’un actionneur. Dans le secteur aéronautique, elle joue un rôle clé, notamment dans les systèmes de régulation moteur et de freinage. Toutefois, malgré l'utilisation de filtres, l’interconnexion de ces différents systèmes peut engendrer des phénomènes de pollution harmonique encore insuffisamment maîtrisés à ce jour.
« Notre originalité est d’intégrer des fonctions de dépollution harmonique directement au sein du contrôle des systèmes dynamiques, sans avoir recours à des dispositifs de filtrage externes qui présentent des inconvénients en termes de coût, de poids et de dégradation de performance », explique le chercheur. Jusqu’à présent, Jamal Daafouz et ses collègues ont mis au point une approche de modélisation et de contrôle harmonique qui considère les dynamiques propres à chaque harmonique. Celle-ci a été validée expérimentalement sur des systèmes isolés. Cependant, la compréhension et la maîtrise des phénomènes harmoniques dans les systèmes interconnectés demeurent un défi scientifique majeur.
Dans le cadre de sa nomination à l’Institut universitaire de France (IUF) en tant que membre senior sur une chaire fondamentale, l’automaticien va donc s’attaquer à cette problématique. Pour cela, son projet explorera deux directions de recherche complémentaires. La première suivra une approche basée sur les modèles. Elle mettra l'accent sur les garanties de stabilité et exploitera des systèmes pour lesquels des modèles mathématiques sont déjà bien établis. L’objectif sera alors de développer des stratégies de contrôle harmonique distribuées en généralisant l’approche innovante développée auparavant.
En l’absence d’un modèle mathématique du système à contrôler, la deuxième idée sera de s’appuyer sur les données disponibles en temps réel pour établir des lois de contrôle et de dépollution harmonique adaptées. « Cela n’a jamais été fait dans un cadre harmonique. Une première étape sera donc d’explorer la faisabilité de cette méthode pour notre problème », ajoute Jamal Daafouz. À terme, ces recherches, réalisées « hors ligne », visent à intégrer des algorithmes de contrôle harmonique embarqués en temps réel dans des systèmes industriels.