Éthique et recherche en numérique : deux conférences pour faire avancer la réflexion

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À l’occasion de l’accueil pour la première fois en France des conférences CEPE et ETHICOMP, du 23 au 27 juin 2014, à l’initiative de la CERNA, focus sur le besoin de réflexion autour des notions d’éthique dans les recherches en sciences du numérique, réflexions qui sont coordonnées par cette commission.

La CERNA, Commission de réflexion sur l’Éthique de la Recherche en sciences et technologies du Numérique d’Allistene, est une structure récente puisqu’elle a été créée en 2012. « Cela a correspondu à deux réflexions parallèles qui se sont rejointes : d’un côté le CNRS, avec le COMETS qui s’était auto-saisi de l’éthique du numérique, et de l’autre Inria qui y réfléchissait dans un groupe de travail, nous explique Max Dauchet, président de la CERNA. Les deux groupes sont arrivés à la même conclusion : le besoin de créer une structure commune au sein d’Allistene, l’alliance des sciences et technologies du numérique qui réunit les partenaires académiques du domaine. »

La réflexion éthique sur ce domaine de recherche paraît naturelle quand on se pose la question, même si elle n’est pas évidente au départ. « Si l’on faisait un micro-trottoir pour demander quelles recherches sont concernées par l’éthique, les gens nous répondraient en masse la santé et la biologie, développe Max Dauchet. Pourtant le numérique transforme la société, et peut-être même l’avenir de l’Homme. » Les difficultés viennent également du fait que le front des questions éthiques est plus diffus qu’en biologie ou en agronomie ; et que la diversité des usages issus des technologies numériques et la rapidité d’appropriation par la société rendent difficiles la prévision des conséquences des recherches. Dans les laboratoires, il y a donc un travail d’acculturation générale à faire pour que les chercheurs ne se sentent pas seuls, mais au contraire que les responsabilités sont partagées. « Le but n’est pas de brider les recherches, mais de les accompagner, de les enrichir dans un développement responsable, précise Max Dauchet. Il faut former et informer, non en donnant des recettes mais en donnant des repères pour une vigilance éthique chemin faisant. »

Dans son fonctionnement, la commission donne un avis consultatif, et a été saisie par Allistene dès sa création sur deux thématiques : éthique de la robotique et les questions éthiques sur l’usage des données à des fins de recherche. Des rapports sur ces sujets seront prochainement remis. Par ailleurs, des actions vont être proposées, centrées pour l’instant sur les écoles doctorales, pour les alimenter sur la thématique de l’éthique avec des conférences et des études de cas. Des séminaires en commun avec les sciences humaines et sociales sont également envisagées, « car les technologues doivent être davantage humanistes et les humanistes connaître mieux les technos : l’éthique nécessite des regards croisés et non une approche fragmentée », conclut Max Dauchet.

C’est dans ce cadre que sont accueillies au sein du CERNA les conférences CEPE et ETHICOMP. Les thématiques des conférences porteront sur des sujets très actuels comme par exemple l’autonomie des robots, en particulier des drones, sur des problématiques liées à la démocratie comme la nature du débat public, la liberté d’expression ou le vote électronique, sur la protection de la vie privée ainsi que sur les nouveaux modes de création collective du type de celles qui sont en œuvre dans l’encyclopédie Wikipédia. « Toutes ces questions sont importantes car elles se formulent d’une façon neuve dans le monde d’aujourd’hui », pointe Jean-Gabriel Ganascia, coordinateur scientifique des deux conférences. Le numérique étant présent dans tous les aspects de la vie, des questions éthique se posent partout. « Or l’éthique a souvent reposé sur des valeurs, sur des normes acceptées par des sociétés. Mais avec internet, toutes les sociétés sont mises en contact, précise Jean-Gabriel Ganascia. Est-il possible d’avoir des règles communes à l’ensemble du monde, ou de respecter les choix des pays en fonction des lieux ? »

Les deux conférences se différencieront plus par l’angle d’approche des sujets que par leurs thématiques : CEPE « Well being, flourishing and ICTs » est plus philosophique, quand ETHICOMP « Liberty and Security in an Age of ICTs » s’adresse aux professionnels de l’informatique. Une journée commune, au milieu des deux conférences, portera sur les questions du genre. « Quel est le rôle des femmes en informatique, et dans l’éthique de l’informatique ? Ont-elles un rôle particulier ? Nous réfléchirons également sur les problématiques de recrutement, et les motivations des jeunes filles pour leur orientation », indique Jean-Gabriel Ganascia.

Ces deux conférences qui se sont déroulées dans différents pays du monde sont accueillies pour la première fois en France. « Assez peu de Français y participaient. Même si la communauté est principalement à l’étranger, les chercheurs français sont de plus en plus sensibles à cette thématique. Nous espérons que ces journées seront une bonne façon de les intéresser ! », conclut Jean-Gabriel Ganascia.

Contact

Jean-Gabriel Ganascia
Professeur à Sorbonne Université, membre du LIP6