Yannis Manoussakis aide à décrypter le graphe du Web et les structures ADN
Afin de classer et organiser les pages internet, les moteurs de recherche utilisent une représentation appelée le graphe du web. Avec ses travaux, Yannis Manoussakis du LRI aide à mieux connaître cet objet. Le chercheur vient d’être nommé pour cinq ans membre senior de l’Institut universitaire de France (IUF), un poste qui lui permettra de synthétiser la recherche mondiale sur son thème de prédilection : les graphes aux arêtes colorées.
Derrière les algorithmes les plus utilisés et les plus puissants d’internet, on trouve parfois des outils informatiques si pointus qu’ils n’avaient presque aucune application avant la démocratisation du Web. Yannis Manoussakis, professeur à l’Université Paris-Saclay et membre du Laboratoire de Recherche en Informatique (LRI - CNRS/Université Paris-Saclay/Inria), a ainsi dû attendre de nombreuses années pour que ses travaux en algorithmique prennent une importance capitale dans le domaine d’internet, mais aussi dans le domaine de la biologie structurale. Originaire de Grèce, Yannis Manoussakis a obtenu son doctorat au LRI, puis est passé par plusieurs postes avant de revenir dans ce laboratoire. Il l’a même dirigé de juillet 2014 à décembre 2019, date à laquelle il laisse sa place afin de se consacrer davantage à la recherche et devenir membre senior de l’Institut universitaire de France (IUF).
Ses travaux concernent la théorie des graphes, des objets mathématiques abstraits représentant les liens entre différents éléments. Les graphes sont très utilisés pour modéliser des relations et des processus en physique, en chimie, en biologie ou encore en économie. En informatique, ils servent entre autres aux bases de données et aux réseaux. Yannis Manoussakis s’est tout particulièrement intéressé aux graphes aux arêtes ou sommets colorés, c’est-à-dire où les nœuds, ou les liens entre eux, se voient attribuer une qualité spécifique. Leurs principales applications se trouvent en biologie et en algorithmique du web, et en particulier au graphe du web, un outil essentiel aux moteurs de recherche.
« Je m’intéresse à comprendre l’expansion et le comportement de ce graphe, poursuit Yannis Manoussakis. Quel est son avenir ? Comment évolue-t-il ? Le graphe permet en plus d’observer les liens entre les sciences, et découvrir si, par exemple, les pages dédiées aux mathématiques interagissent avec celles d’autres disciplines. » Internet ne cesse en effet de croître, et ce de plus en plus vite, au risque de déborder les outils qui servent à s’y retrouver. « J’aimerais aussi aider les biologistes à mieux comprendre les structures ADN, à les énumérer et prédire leur évolution. »
Yannis Manoussakis compte profiter de sa récente nomination à l’IUF pour établir un état des lieux de la recherche internationale sur les graphes colorés, avec en ligne de mire la publication de la toute première synthèse sur le sujet. Le livre sera à destination des scientifiques et d’étudiants de niveau master. Yannis Manoussakis veut également renforcer la discipline en organisant différents projets et colloques, tout en continuant de consacrer du temps au soutien des doctorants et des jeunes chercheurs intéressés par les graphes. De quoi stimuler un domaine longtemps ignoré.
« Jusqu’à environ 1995, les journaux ne voulaient pas publier nos papiers, car ils ne voyaient pas quelles applications ils pourraient avoir, se souvient Yannis Manoussakis. Avec l’apparition de la bioinformatique et les avancées de la génétique, mes travaux ont commencé à être utilisés afin de décortiquer la structure de l’ADN. » L’explosion d’internet a ensuite achevé de prouver l’importance et la richesse de ses études. Après ce long cheminement, Yannis Manoussakis est bien entendu sensible à la reconnaissance de ses pairs.
« J’ai été très agréablement surpris d’avoir été nommé à l’IUF, je n’y croyais pas ! Je suis fier que mes travaux aient un tel impact et soient choisis par un organisme pour lequel seules la carrière et la valeur scientifique comptent. » Une belle démonstration que des sujets aussi théoriques peuvent se retrouver au centre de nos sociétés.