Kevin Vermeulen, la construction de systèmes pour la mesure d’Internet
Kevin Vermeulen a rejoint le Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS-CNRS) en 2021 en tant que chargé de recherche CNRS.
Quel est votre domaine de recherche ?
Kevin Vermeulen : Je suis chercheur dans le domaine des réseaux, et plus précisément dans la construction de systèmes pour la mesure d’Internet. Le domaine des mesures d’Internet consiste à étudier des aspects d’Internet (par exemple la performance ou la sécurité) en mesurant Internet, c’est-à-dire en étudiant ou en générant du trafic de manière intelligente pour recueillir des informations. Parmi les enjeux actuels, on peut citer l’amélioration de la performance, la cartographie du trafic, ainsi que la prévention et détection d’attaques.
Pour améliorer leur performance, les géants d’Internet comme Google ou Facebook inventent de nouveaux systèmes de mesure pour réduire la latence entre les utilisateurs et leurs serveurs.
La cartographie du trafic est un défi qui nous permet de mieux comprendre l’écosystème Internet. Internet est composé de dizaines de milliers de systèmes autonomes (AS) qui sont interconnectés, et l’Internet d’aujourd’hui est beaucoup plus centralisé qu’il y a 20 ans : quelques entreprises génèrent la plupart du trafic. Pour comprendre comment l’Internet se transforme, il faut imaginer de nouvelles techniques de mesures pour mesurer comment les systèmes autonomes s’interconnectent, quelles sont leurs motivations, et quelle quantité de trafic ils s’échangent. La structure d’Internet influe directement sur sa performance et sa robustesse, il est donc crucial de la comprendre au maximum.
Enfin, dans le thème de la sécurité d’Internet, il faut imaginer des systèmes de mesure pour prévenir et/ou découvrir rapidement les potentielles attaques. Par exemple, des systèmes de mesure ont été mis en place ces dernières années pour contrer une attaque classique d’usurpation d’identité dans Internet, où un AS se fait passer pour un autre dans le but de détourner son trafic.
Qu’avez-vous fait avant d’entrer au CNRS ? Pourquoi avoir choisi le CNRS ?
K. V. : De 2012 à 2017, j’ai fait une école d’ingénieur (IMT Atlantique), puis j’ai travaillé en tant qu’ingénieur logiciel dans la finance.
J’ai effectué mon doctorat (2017-2020), « Improved algorithms for capturing Internet maps » à Sorbonne Université, au Laboratoire LIP6 (CNRS/Sorbonne Université), sous l’encadrement d’Olivier Fourmaux et Timur Friedman, dirigé par Prométhée Spathis.
Mes recherches doctorales portaient sur la cartographie d’Internet au niveau interface IP et routeur, c’est-à-dire savoir quels routeurs et interfaces de quels routeurs s’interconnectent pour former le réseau Internet.
J’ai ensuite effectué un postdoc à Columbia University (2020-2021), sous la supervision du professeur Ethan Katz-Bassett, toujours dans le domaine de la construction de systèmes pour la mesure d’Internet. À Columbia, mon projet principal consistait à construire un système de captures de chemins retour d’Internet à large échelle, système que les opérateurs peuvent utiliser pour effectuer de l’ingénierie de trafic pour améliorer la performance de leurs routes.
J’ai choisi d’entrer au CNRS pour la liberté de la recherche offerte aux chercheurs, ainsi que ma volonté d’effectuer mes recherches en France, pour des raisons personnelles.
Qu’est-ce qui vous a amené à faire de l’informatique et/ou des sciences du numérique ?
K. V. : Venant d’un cursus d’ingénieur généraliste, je ne savais pas vers quelle voie m’orienter à l’école. J’ai décidé d’effectuer une année de césure où j’ai effectué deux stages dont un dans le domaine du développement informatique. Cela a été un déclic pour moi (je remercie Didier Pirottin qui était mon tuteur de stage) car c’est lui qui m’a donné goût à l’informatique et la recherche.