Choose France : Bruno Loureiro recruté pour ses travaux mêlant apprentissage automatique et physique statistique
Dans le cadre de l’appel Choose France, le CNRS coordonne le recrutement de trois profils internationaux en intelligence artificielle. Le premier sélectionné est Bruno Loureiro, qui intégrera le Département d'Informatique de l'École normale supérieure (DI ENS - CNRS/ENS - PSL/Inria) afin de poursuivre son exploration de la théorie de l’apprentissage automatique. Deux postes sont encore disponibles au sein d’une seconde campagne de recrutement, qui court jusqu’au 30 septembre.
L’explosion de l’apprentissage automatique, aussi appelé machine learning, ne doit pas faire oublier que cet outil d’intelligence artificielle renferme encore bien des mystères. « J’aborde la théorie de l’apprentissage automatique avec des méthodes issues de la physique statistique, explique Bruno Loureiro, jusqu’alors postdoctorant à l’EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne). Car si l’apprentissage automatique est de plus en plus utilisé, par exemple pour des systèmes de recommandation, on ne comprend toujours pas complètement comment les algorithmes obtiennent leurs réponses. Cela empêche de certifier leurs résultats, et donc de les employer librement pour des applications sensibles, comme la détection de cancers, la conduite de véhicules autonomes ou encore dans le contexte judiciaire. »
La théorie de l’apprentissage automatique est en effet surtout abordée par des outils issus de la théorie des probabilités et des statistiques. Ces approches ne sont pas complètement adaptées à la situation, car elles fonctionnent surtout dans les cas où l’on retrouve beaucoup de données pour un faible nombre de paramètres. L’apprentissage automatique multiplie à la fois les données, les paramètres et les dimensions.
« Dès les travaux de Ludwig Boltzmann au XIXe siècle, les physiciens ont dû développer des méthodes capables de décrire le mouvement, la vitesse et la position d’une immense quantité de particules individuelles, poursuit Bruno Loureiro. Ces outils statistiques permettent de traiter ces ensembles complexes en les réduisant à un plus petit nombre de paramètres, comme la pression ou la température, plutôt que de tout savoir à tout moment sur chaque particule. Cette approche, bien que née dans un contexte complètement différent, est très utile à l’étude théorique de l’apprentissage automatique. »
Bruno Loureiro va à présent poursuivre ses travaux au Centre sciences des données (CSD), inauguré l’an dernier à l’ENS. Le CSD promeut les approches interdisciplinaires entre l’apprentissage automatique et les autres sciences en regroupant des chercheurs issus de quatre laboratoires : DI ENS (informatique), DMA (mathématiques), LPENS (physique) et LSCP (sciences cognitives). Bruno Loureiro a été recruté dans le cadre de l’appel Choose France.
« Des collègues de l’EPFL m’ont parlé de l’appel Choose France et j’ai été attiré par la possibilité de revenir en France avec des moyens pour monter mon propre groupe de recherche, se réjouit Bruno Loureiro. Cela va me donner l’opportunité et les moyens de travailler avec plus d’indépendance qu’en tant que postdoctorant. » La France n’est pas un pays inconnu pour le chercheur brésilien, qui a déjà mené un précédent postdoctorat à l’Institut de physique théorique (IPhT, CNRS/CEA).
Les liens entre ces deux univers sont apparus à la fin des années 80 avec les travaux de Bernard Derrida, qui occupe actuellement la chaire de physique statistique au Collège de France, et de la physicienne britannique Elizabeth Gardner. À l’époque cependant, les limitations des ordinateurs et la rareté des données disponibles avaient bloqué le développement des réseaux de neurones. L’explosion de l’intérêt pour ces intelligences artificielles à partir des années 2010 s’est accompagnée d’une évolution rapide des méthodes et des outils pour les étudier, dont ceux qu’utilise Bruno Loureiro.
« J’ai effectué mon premier postdoctorat à l’IPhT pour travailler avec Lenka Zdeborová et Florent Krzakala, qui sont deux grands noms de la modernisation de ces approches, explique Bruno Loureiro. Je les ai ensuite suivis quand ils sont partis en Suisse. Maintenant, j’ai l’occasion de revenir en France pour monter mon propre groupe, qui plus est à l’ENS. L’école a en effet été dirigée pendant dix ans par Marc Mézard, un spécialiste de la physique statistique qui a justement encadré la thèse de Lenka Zdeborová. Je suis ravi de retourner en France et je trouve ça super que le pays offre des opportunités à des chercheurs de différentes nationalités. »