Mattéo Raphaël Tacchi et l’analyse de systèmes dynamiques
Mattéo Raphaël Tacchi a rejoint le laboratoire Grenoble Image, Parole, Signal, Automatique (GIPSA-lab - CNRS/Université Grenoble Alpes) en 2022 en tant que chargé de recherche CNRS.
Quel est votre domaine de recherche ?
Mattéo Raphaël Tacchi : Mes activités de recherche portent sur l’analyse de systèmes dynamiques, principalement en termes de performances et de sécurité. Ces systèmes dynamiques (véhicules, robots, centrales ou réseaux électriques, etc.), utilisés par des industriels, sont parfois modélisés par des équations mathématiques, mais pas toujours. Dans le premier cas, l’étude fait appel à des méthodes dites « orientées modèle », tandis que le second cas nécessite une approche qu’on appelle « orientée données », qui consiste à remplacer les équations par un échantillon de mesures décrivant le comportement du système. En l’absence de modèle, les prédictions deviennent souvent plus difficiles. Toutefois, les modèles peuvent également être sources de complexité : saturations, singularités, dimensions élevées voire infinies, comportements chaotiques… Toutes ces difficultés constituent encore de nos jours de véritables défis, tant mathématiques qu’algorithmiques.
Dans ce contexte, je m’intéresse à des techniques de calcul situées à l’interface entre l’analyse orientée modèle et l’analyse orientée donnée, qu’on appelle plongements-et-projections. Globalement, ces techniques consistent à reformuler les problèmes auxquels on est confronté (étude d’équations, d’échantillons de données, problèmes géométriques, classification, machine learning…) de manière à faire apparaître des structures propices à leur résolution par le calcul. Le prix à payer pour faire apparaître de telles structures, est une formulation souvent abstraite, dans des espaces de dimension infinie. La résolution numérique se fait alors par approximations, en combinant théories mathématiques et algorithmes pratiques.
Qu’avez-vous fait avant d’entrer au CNRS ? Pourquoi avoir choisi le CNRS ?
M.R.T. : Après trois années de classes préparatoires, j’ai intégré en 2013 l’École normale supérieure de Lyon, dont je suis sorti diplômé en 2016. Au cours de ma formation, je me suis progressivement orienté vers le champ applicatif : licence de mathématiques fondamentales (2014) à l’ENS, master de mathématiques appliquées (2016) et diplôme d’ingénieur (2017) à l’École des ponts, doctorat en automatique (2018-2021) à l’Institut national des sciences appliquées de Toulouse, sur le thème de l’analyse de stabilité des systèmes électriques, cofinancé par l’Agence nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) et le Réseau de transport d’électricité (RTE). J’ai ensuite effectué un postdoctorat de 17 mois à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, en partenariat avec RTE et le Fonds national Suisse, avant d’intégrer le CNRS via le concours général de la section 7.
Mon choix a été fortement influencé par mon expérience de doctorat, où j’étais encadré au sein du Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS-CNRS) : j’y ai découvert la grande liberté dont jouissent les chercheurs au sein de cette institution. Pour moi, cette liberté est tout sauf accessoire : c’est elle qui garantit la qualité de notre recherche, en nous permettant de nous concentrer au maximum sur les questions scientifiques qui nous animent, et de choisir nous-mêmes la meilleure façon de diffuser les connaissances ainsi produites.
Qu’est-ce qui vous a amené à faire de l’informatique et/ou des sciences du numérique ?
M.R.T. : D’aussi loin que je me souvienne, les mathématiques m’ont toujours beaucoup plu à l’école ; alors que la plupart de mes camarades trouvaient cela ennuyeux ou cryptique, découvrir de nouveaux théorèmes était toujours une source d’excitation pour moi. J’étais fasciné par mes professeurs, dont j’ai un temps voulu suivre le parcours. Je crois que c’est cela qui m’a amené jusqu’au Master de mathématiques, avec quelques péripéties sur le chemin, lorsque l’algèbre fondamentale m’a fait réaliser à quel point ma capacité d’abstraction était en fait limitée…
C’est au cours de cette deuxième année de master à Jussieu que j’ai découvert la théorie de la commande optimale. Cette branche des mathématiques, relativement proche de l’automatique, faisait se rencontrer mes disciplines préférées, que j’avais vues cloisonnées en autant de matières différentes au cours de ma formation supérieure : algèbre linéaire, géométrie, équations aux dérivées partielles et même théorie des probabilités… C’est ce cours qui m’a donné envie de faire une thèse.
À la suite de cela, le hasard des rencontres m’a fait me rapprocher progressivement de l’automatique, qui utilise abondamment la commande optimale sans se confondre avec elle, et de l’optimisation, autre discipline qui m’est chère et que l’on retrouve partout en sciences de l’information, de l’automatique au machine learning, en passant par le traitement du signal.