Disparition de Jean-Marc Chassery
L’Institut des sciences de l’information et de leurs interactions (INS2I) du CNRS a eu l’immense tristesse d’apprendre la disparition brutale de Jean-Marc Chassery le 17 juin 2023 et souhaite rendre hommage à ce collègue, directeur de recherche CNRS, qui a marqué plusieurs générations de scientifiques par ses activités variées. Dans son domaine de recherche, il a promu par ses travaux et ses ouvrages le traitement d’images et plus particulièrement la géométrie discrète et algorithmique.
Jean-Marc Chassery, le chercheur
Jean-Marc Chassery a soutenu sa thèse de troisième cycle en 1976, en analyse d’images numériques obtenues par un système automatique de microphotométrie à balayage. Ses travaux l’ont rapidement conduit à se pencher sur la construction d’une géométrie adaptée à la structure discrète des images. Il a été l’un des pionniers d’un domaine de recherche naissant, la géométrie discrète, qu’il n’a ensuite eu de cesse de construire, de soutenir, de structurer.
Dans sa trajectoire scientifique, Jean-Marc Chassery avait à cœur d’établir des ponts entre des approches, qui devenaient de fait complémentaires, comme la morphologie mathématique et la géométrie algorithmique pour l’analyse d’images. Au fil de ses résultats, ses travaux ont également été novateurs en codage, en traitement d’images ou de vidéos, et en sécurité multimédia.
Il a été l’un des maîtres d’œuvre de la création d’un groupe de travail toujours très actif aujourd’hui et rattaché à deux groupements de recherche (GDR), d’une petite conférence francophone démarrée en 1991 entre Strasbourg et Grenoble, et qui est depuis devenue l’International Conference on Discrete Geometry for Computer Imagery (DGCI), qu'il a présidée pendant plusieurs années. Ses discours lors des repas de gala, au volume sonore parfois limité, mais pleins d’humour pince-sans-rire et de gentillesse, avaient toujours un franc succès.
Au niveau national, il a assuré des responsabilités tout au long de sa carrière : directeur du GDR ISIS (Information, Signal, Image et Vision) de 1992 à 2001 après avoir eu des responsabilités dans le GDR TDSI (Traitement du Signal et des Images) ; membre du Comité National du CNRS (CoNRS) en section 07 en 2001 ; directeur adjoint scientifique (DAS) à la création de l’Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes (INSIS) de 2009 à 2012 ; délégué scientifique au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) de 2012 à 2017.
Il a été l’auteur de Géométrie discrète en analyse d'images publié en 1991 avec Annick Montanvert, professeure à l’Université Grenobles Alpes et membre du laboratoire Grenoble Image, Parole, Signal, Automatique (GIPSA-lab - CNRS/Université Grenoble Alpes). Il a coédité Géométrie discrète et images numériques en 2007, avec David Coeurjolly, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d'Informatique en Images et Systèmes d'Information (LIRIS - CNRS/INSA de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1) et Annick Montanvert. Ces ouvrages trônent aujourd’hui sur les étagères de nombreux enseignants-chercheurs.
Jean-Marc Chassery avait une personnalité sincère et généreuse. Avec une vision large de la recherche, initiateur d’idées, fédérateur, il a été un guide pour ses doctorants et une référence pour ses collègues. Il était connu pour poser beaucoup de questions lors des événements scientifiques, sa curiosité a inspiré plusieurs générations de chercheurs qui ont travaillé ou travaillent encore à Grenoble ou ailleurs en France et à l’international.
Jean-Marc Chassery, le fédérateur
Jean-Marc Chassery proposait des pistes pour fédérer les énergies scientifiques françaises. À la fin des années 80, donnant beaucoup de lui-même, ses qualités humaines et scientifiques lui ont permis de réussir la conjonction de deux astres jumeaux mais jusque-là séparés : la théorie du signal et le traitement d’images. Il savait faire l’unité dans la diversité. Son regard œcuménique a aussi réussi à fédérer recherche universitaire et recherche industrielle, un défi plus complexe en France que chez nos voisins. C’est ainsi qu’il a très durablement établi les fondements du GDR ISIS, une success story à la française.
À Grenoble, où il a su, avec la diplomatie et la ténacité qui le caractérisaient, réaliser la fusion de plusieurs laboratoires et équipes autour du traitement du signal et des images. Après l’éclatement du laboratoire Informatique, Mathématiques et Applications de Grenoble (IMAG) en 1982, il a participé à la création de la fédération IMAG et du laboratoire Techniques de l’Informatique, des Mathématiques, de la Microélectronique et de la Microscopie quantitative, puis à la création du laboratoire recherche Translationnelle et Innovation en Médecine et Complexité (TIMC - CNRS/Université Grenoble Alpes)
Enfin, il a œuvré à la création du Laboratoire des Images et des Signaux (LIS) qu’il a dirigé de 2001 à 2006. Il a également contribué à la fusion de trois laboratoires, le LIS, l’Institut de la Communication Parlée (ICP) et le Laboratoire d’Automatique de Grenoble (LAG) qui constituent aujourd’hui le laboratoire GIPSA-lab, qu’il a dirigé de 2007 à 2010.
Jean-Marc Chassery, le directeur
Le premier défi de Jean-Marc Chassery a abouti à la création du LIS en 1997. Avec son équipe de géométrie discrète qui était à TIMC, il a été moteur dans la création du laboratoire, en permettant une fusion harmonieuse du traitement du signal et des images, reproduisant au niveau local le travail qu’il avait entrepris avec d’autres au niveau national avec le GDR ISIS. Cette réussite a fait du LIS un des laboratoires français les plus visibles en traitement du signal et des images. Au milieu des années 2000, à l’instigation du département des Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication (STIC) du CNRS qui voulait un regroupement massif des nombreux laboratoires STIC à Grenoble, il a pris en main la réflexion pour un regroupement de trois laboratoires, le LIS, le LAG et l'ICP, ce qui a conduit à la création du GIPSA-lab.
L’intelligence et les qualités humaines de Jean-Marc Chassery ont largement contribué à la réussite de ces défis. Sa bienveillance, son écoute, sa vision collective, une discrétion certaine que l’on pouvait retrouver dans sa voix, mais qui cachait une fermeté, une ténacité et une volonté pour ce qui lui tenait à cœur, ont été les moteurs de cette réussite.
Jean-Marc Chassery, en tant que directeur de GIPSA-lab, a assumé la lourde tâche de regrouper et de fédérer les services administratifs de trois laboratoires. Il a su faire confiance aux personnels administratifs pour proposer une organisation efficace pour atteindre un but commun : la création du GIPSA-lab. Il a su communiquer avec transparence, beaucoup d'empathie et de gentillesse.
Jean-Marc Chassery a également joué un rôle important dans l’association française GRETSI (Groupe de REcherche en Traitement du Signal et des Images). Il a notamment été le président du colloque GRETSI 1997 à Grenoble, qui a amorcé l’itinérance de cette conférence en France, et même au-delà de nos frontières. Le colloque célèbre cette année ses 30 ans à Grenoble.
Outre ses contributions et son rayonnement scientifique, son investissement et ses prises de responsabilités aux niveaux local et national, Jean-Marc Chassery était un homme de cœur, un guide, un véritable ami qui restera dans les mémoires pour sa gentillesse, sa bienveillance, sa générosité, sans oublier sa gaieté et son humour pince-sans-rire.
Pour lui rendre hommage
Vous pouvez apporter un témoignage ou un message qui sera ensuite transmis à sa famille sur le site internet créé à cet effet.