Rencontre avec Michaël Poss, chercheur en optimisation
Partons à la découverte de l'optimisation avec Michaël Poss, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM - CNRS/Université de Montpellier).
Comment décririez-vous l'optimisation ? Qu'est-ce qui vous a donné envie de travailler sur l'optimisation ?
Michaël Poss : L’optimisation permet de modéliser précisément et de résoudre, de façon exacte ou approchée, le problème qui se pose dès lors que l’on prend une décision pour laquelle l’objectif et les choix possibles sont bien définis. J’ai toujours trouvé que le processus de modélisation, une fois les hypothèses de modélisation posées, était particulièrement ludique. L'expressivité de la programmation linéaire, qui modélise l’objectif et les contraintes grâce à des fonctions linéaires, m'avait agréablement surpris, d’autant plus lorsque l’on permet à certaines variables de ne prendre que des valeurs discrètes (PLNE). La facilité de mise en œuvre numérique de ces outils grâce à des logiciels libres ou commerciaux m’avait également marqué. Enfin, j’apprécie que les contributions scientifiques de cette discpline puissent être aussi bien de nature théorique que numérique (voir les deux en même temps). Cela me permet de passer d’un volet à l’autre selon mes envies.
Quels défis avez-vous rencontrés dans vos travaux récents ?
M.P. : La programmation mathématique en nombres entiers (PLNE), qui permet de modéliser des problèmes avec choix discrets, a beaucoup évolué depuis le début de ma thèse (en 2007) et les solveurs sont devenus extrêmement complexes et performants. Il est devenu de plus en plus difficile de proposer de nouvelles approches pour les vaincre. Ceci m’a poussé à explorer l’optimisation robuste avec recours entier. Ce paradigme considère un nombre infini de scénarios (contenu dans une boule ou un polytope, par exemple) et les paramètres du problème dépendent du scénario considéré, aussi considère-t-il des décisions étalées dans le temps. Ces problèmes sont naturellement définis avec un nombre infini de variables discrètes et de contraintes, face auxquels les solveurs ne sont d’aucune utilité. Ainsi, leur résolution numérique nécessite l’utilisation de différents outils mathématiques combinés au sein d’algorithmes de décompositions. Ces derniers ont soulevé nombre de questions algorithmiques passionnantes.
Quelles chercheuses et/ou chercheurs vous ont le plus inspiré dans votre travail et pourquoi ?
M.P. : J’ai été très touché par les questionnements d’Alexandre Grothendieck quant au rôle discutable de la recherche scientifique dans notre société. J’ai trouvé également pertinente sa critique de l’écosystème de la recherche, qui tend à donner plus de valeurs aux résultats d’une personne qu’à ses qualités morales. Garder ces interrogations à l’esprit me rappelle la chance que j’ai d’avoir un travail stimulant intellectuellement, qui me laisse libre de choisir mes collègues et sujets.
Dans un autre registre, je suis impressionné par le travail réalisé par les fondateurs de Peer Community In (PCI). PCI met en place la relecture des prépublications par les pairs de façon transparente, valorisant le travail éditorial, et permettant aux articles d’évoluer une fois validés par PCI. Enfin, PCI est gratuit, court-circuitant ainsi le marché juteux de la publication scientifique.
Enfin, notre discipline souffre d’une absence de parité flagrante. J’admire beaucoup les chercheurs et chercheuses qui luttent pour y remédier.