Élodie Germani : « La programmation est devenue un tel plaisir que je mène des projets en dehors de mon travail. »
Lauréate du Prix Jeunes Talents France 2024 Pour les Femmes et la Science, remis par la Fondation L’Oréal et l’Unesco, Élodie Germani vient d’obtenir son doctorat à l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (IRISA - CNRS/Université de Rennes). Ses travaux, passés comme actuels, veulent pallier le manque de données qui fragilise les prédictions des IA sur de l’imagerie biomédicale.
Avoir une révélation pour la programmation, voilà qui change un parcours. Élodie Germani était en effet en pleines études de médecine quand elle a rencontré l’informatique. Elle a depuis obtenu son doctorat à l’IRISA, sous la direction de Camille Maumet, chargée de recherche Inria et d’Élisa Fromont, professeure à l’université de Rennes, toutes deux membres de l’IRISA.
« J’ai travaillé à l’amélioration de méthodes d’IA appliquées à la neuroimagerie, avec un focus sur la généralisabilité, explique Élodie Germani. On manque en effet souvent de données d’entraînement, et comme les données d’imagerie médicale sont très diverses, certains facteurs, comme les populations ou les appareils d’imagerie, sont parfois moins bien représentés, et donc souffrent de moins bonnes prédictions. La généralisabilité englobe toutes les approches qui permettent de contrer ce problème, afin que nos modèles d’IA donnent des résultats de qualité similaire, peu importe la population. »
Élodie Germani réutilise notamment des données disponibles publiquement pour renforcer l’apprentissage de ses IA. Ses travaux ne se focalisaient pas sur une pathologie en particulier, mais la chercheuse a mis l’accent sur l’IRM fonctionnelle. Cette méthode est par exemple employée pour mesurer l’activité cérébrale dans des études comportementales en psychologie, ainsi qu’en médecine pour différents diagnostics et évaluations.
Le 1er octobre, quinze jours après avoir passé sa thèse, Élodie Germani a intégré un postdoctorat à l’hôpital universitaire de Bonn (Allemagne), où elle œuvre toujours sur l’IA et l’imagerie médicale, ainsi que sur la généralisabilité. Elle va explorer le cas des IRM à faibles champs, qui sont des systèmes qui donnent des images de moins bonne qualité, mais qui sont portables et peu coûteux, et permettent des diagnostics plus rapides et plus pratiques, notamment en néonatologie. Elodie travaillera aussi à améliorer les diagnostics réalisés à partir de mammographies. Des sujets pour lesquels ses années de médecine vont se révéler bien utiles.
Car forte de ses bonnes notes en filière scientifique, Élodie Germani s’est d’abord orientée vers des études de médecine. « Mes deux parents sont ingénieurs informaticiens et leur métier ne me semblait guère passionnant, reconnaît la jeune chercheuse. J’avais plusieurs autres stéréotypes qui m’ont éloignée de l’informatique. Arrivée en quatrième année de médecine, là où l’on commence les gardes et les stages en hôpitaux, je me suis rendu compte que j’étais plus faite pour la réflexion que pour l’action. » Élodie Germani se destine alors à la recherche et bifurque vers un master en bio-informatique. La découverte de la programmation, à laquelle elle s’est formée toute seule pour rattraper le niveau master, est vécue comme une révélation et la réconcilie avec l’informatique.
Élodie Germani a reçu le Prix Jeunes Talents France 2024 Pour les Femmes et la Science, remis par la Fondation L’Oréal et l’Unesco, qui récompense chaque année trente-cinq jeunes chercheuses, doctorantes et postdoctorantes. « Ce prix a été une opportunité assez énorme d’offrir de la visibilité à mes travaux, se réjouit Élodie Germani. J’étais déjà très engagé dans la vulgarisation scientifique, et là j’ai en plus pu donner de nombreuses interviews pour parler de mes sujets de recherche. Cette récompense a également soulagé mon syndrome de l’imposteur et m’a confortée dans l’idée que mes efforts et mes choix n’ont pas été faits en vain. »
La distinction lui tient aussi à cœur pour sa thématique sur les femmes et la science. Élodie Germani est très impliquée sur la question et s’était, par exemple, engagée dans le projet L Codent, L Créent qui sensibilise les collégiennes à la programmation.
« Comme le dit L’Oréal, les femmes ont besoin de la science et la science a besoin des femmes, conclut-elle. Ce n’est pourtant pas une voie qu’elles choisissent assez, notamment à cause de certains stéréotypes. Ça a été le cas pour moi, qui me suis privée de commencer plus tôt l’informatique par manque de connaissance du domaine. J’espère que ce prix donnera des vocations à de nombreuses jeunes filles. »