ADDI : des outils numériques pour la démocratie

Distinctions Informatique

Faire avancer les innovations digitales au service de la démocratie, telle est l’ambition d’ADDI. Ce projet, soutenu par une bourse européenne ERC Synergy, va étudier différents outils et plateformes numériques pour comprendre leur impact sur des processus démocratiques tels que les assemblées citoyennes.

« Nous partons du constat que l’apport des technologies digitales à la démocratie est devenu, malgré l’enthousiasme des débuts, plutôt négatif », affirme Umberto Grandi. Ce professeur à l’Université de Toulouse Capitole et membre de l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT - CNRS/Toulouse INP/Université de Toulouse Paul Sabatier), cite par exemple les collectes massives de données ou la forte polarisation des débats. Face à ces dérives, Umberto Grandi va co-porter l’ERC Synergy ADDI, pour Advancing digital democratic innovation, dont il est l’un des quatre coordinateurs.

Ce projet ADDI, financé par une bourse européenne ERC Synergy, est également piloté par Ulle Endriss, professeur à l’Université d’Amsterdam et membre de l’Institute for logic, language and computation (Pays-Bas), Cesar Hidalgo, professeur à la Toulouse School of Economics et directeur du Center for Collective Learninget Maija Setala, professeure à l’Université de Turku (Finlande). ADDI vise à développer et tester des outils numériques capables d’améliorer les pratiques démocratiques, et en particulier ceux qui sont scientifiquement validés et en open-source. Les algorithmes doivent en effet être transparents et donner des résultats explicables pour être acceptés.

Nous allons tester différentes hypothèses sur l’effet des outils numériques sur les processus démocratiques.

Umberto Grandi y apportera notamment son expertise en choix social computationnel. Ce sujet interdisciplinaire, entre économie et informatique, étudie les décisions collectives et la théorie du vote. Le choix social computationnel s’intéresse aux règles d’un vote ou d’un système d’appariement stable. Il peut s’agir par exemple du problème de l’affectation d’élèves dans différentes écoles, que l’on peut traiter avec des procédés algorithmiques.

« L’exploration du choix social remonte à Condorcet, pendant la Révolution, puis les informaticiens s’y sont intéressé à partir des années 90, explique Umberto Grandi. Les outils algorithmiques, tels que le calcul de la complexité computationnelle, donnent un nouvel éclairage sur des phénomènes où la majorité se retrouve parfois à faire des choix incohérents par rapport à ses propres votes. Il s’agit également d’adapter les nouvelles technologies aux processus démocratiques. »

ADDI va notamment examiner les assemblées citoyennes, avec une étude systématique, et sur le terrain, de ce que le numérique peut leur apporter. Il s’agira par exemple de voir l’impact de l’anonymat sur ces délibérations démocratiques. Différentes assemblées citoyennes, qu’elles utilisent ou non des outils digitaux, seront ainsi analysées. « En France, nous avons eu la Convention citoyenne pour le climat, tandis que l’Oregon prépare ses référendums grâce à des assemblées citoyennes », cite Umberto Grandi.

Nous voulons développer une nouvelle méthodologie pour faire de la science autour de la démocratie.

Pour atteindre leurs objectifs, les scientifiques vont devoir réussir leur pari de l’interdisciplinarité en faisant dialoguer informatique et sciences politiques. Ils feront également face au défi de la représentativité, sachant que les événements utilisés comme plateformes de budget participatif souffrent souvent d’un faible taux de participation. « Nous voulons mettre en place des outils qui permettent à tous de donner leur opinion, même à ceux qui n’ont pas le temps de participer », poursuit Umberto Grandi.

ADDI souhaite aussi avoir un impact très fort sur la méthodologie, en montrant que l’innovation digitale doit passer par de l’expérimentation de terrain. Cette partie expérimentale devra être menée avec toute la rigueur scientifique possible, en implémentant de véritables essais randomisés contrôlés et une expertise pluridisciplinaire.

Enfin, les chercheurs et chercheuse devront assurer la sécurité informatique des plateformes utilisées pour leurs expériences et des données qui y transiteront. « Tous les problèmes que rencontrent aujourd’hui les outils digitaux démocratiques, comme la diffusion de fausses informations et la multiplication de l’influence, se retrouveront dans nos outils, estime Umberto Grandi. Nous allons donc devoir mesurer ce problème, vérifier si nos plateformes n’induisent pas de comportements néfastes et, le cas échéant, les corriger. Nous allons par exemple réaliser une série d’expérimentations sur l’influence exagérée que pourraient avoir certaines personnes sur une assemblée citoyenne. » De quoi mieux adapter les solutions numériques existantes aux exigences de la démocratie.

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ADDI: Advancing Digital Democratic Innovation