Anne-Cécile Orgerie, la médaille de bronze du CNRS pour ses travaux prometteurs visant des centres de calcul moins énergivores

Distinctions Informatique

La multiplication colossale des échanges de données et leur traitement, à distance, dans des centres de calcul posent un véritable problème de consommation énergétique. Anne-Cécile Orgerie, chargée de recherche CNRS à l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (IRISA - CNRS/CentraleSupélec/ENS Rennes/Inria/INSA Rennes/IMT Atlantique/Université de Bretagne-Sud/Université de Rennes 1), établit des modèles permettant d'alimenter plus efficacement ces infrastructures, qui utilisent habituellement de l’électricité même quand elles ne sont pas en fonctionnement. Ces travaux lui valent en 2020 la médaille de bronze du CNRS.

Avec le développement fulgurant des télécommunications, des clouds et de l’IA, le nombre de centres de calcul a explosé ainsi que leur empreinte énergétique. On parle de systèmes distribués, où le stockage et le traitement des données sont répartis entre plusieurs machines différentes qui ne sont pas forcément dans la même pièce, ni même parfois dans le même pays. Anne-Cécile Orgerie, chargée de recherche CNRS à l’IRISA, veut réduire l’empreinte environnementale de ces grandes infrastructures numériques, en les rendant plus efficaces et en limitant leur consommation. Pour ces travaux, elle vient de se voir décerner la médaille de bronze du CNRS.

« Je commence en mesurant l’impact énergétique des serveurs, puis je repère les sources de gaspillage, détaille Anne-Cécile Orgerie. Ces infrastructures ne fonctionnent pas en continu et le trafic des données n’est pas constant. Nous faisons face à un problème de proportionnalité énergétique, où les machines consomment même quand elles ne sont pas utilisées. »

Pour réduire l’impact écologique, les énergies renouvelables sont de plus en plus sollicitées pour alimenter les centres de calculs, mais elles posent des contraintes importantes. En effet, il est difficile de marier de façon idéale des appareils à l’activité irrégulière avec une source d’électricité qui n’est pas non plus continue, sachant que leurs périodes de fonctionnement ne sont bien entendu pas synchronisées !

Anne-Cécile Orgerie a été lauréate en 2018 de l’appel à projets CNRS-Momentum. De la production d’électricité aux serveurs et au calcul haute performance, elle prend en compte chaque étape pour modéliser et optimiser l’ensemble du système. Par exemple, les réseaux intelligents reposent sur des capteurs qui mesurent les dépenses énergétiques et la chaleur émise. Ils ont cependant eux aussi besoin d’être alimentés, ce qui n’est pas souvent inclus dans les modèles.

Si on optimise quelque chose sans prendre en compte l’ensemble des impacts, on peut se retrouver dans des situations où l’on consomme finalement encore plus d’énergie. 

« Modéliser la consommation énergétique nous permet ensuite de la prédire, explique Anne-Cécile Orgerie. Nous en avons besoin car, lorsque l’on éteint un serveur inactif dans un cloud, il lui faudra quelques minutes pour se rallumer. Or les gens ne sont pas prêts à attendre aussi longtemps pour accéder à leurs e-mails. » La gestion du réseau est ainsi compliquée par son utilisation massive et en temps réel par les internautes. Cela pousse à employer des heuristiques, c’est-à-dire des méthodes qui fournissent rapidement une solution, qui n'est souvent pas optimale en matière de consommation énergétique.

Et comme il n’y a pas de petites économies, Anne-Cécile Orgerie profite de ses activités de médiation scientifique pour sensibiliser le public. « Mes travaux montrent que les utilisateurs forment un des principaux leviers de réduction de la consommation énergétique, insiste-t-elle. Laisser un ordinateur ou une box allumés la nuit, alors qu’ils ne sont pas sollicités, représente une dépense importante. »

Sa médiation se fait également à destination des jeunes filles, avec des interventions dans les collèges. « L’informatique est encore peu féminisée, elle se prive ainsi de la moitié des cerveaux de l’humanité, déplore Anne-Cécile Orgerie. Je veux montrer que cette discipline propose de beaux métiers, accessibles à toutes et à tous. »

En savoir plus

Anne-Cécile Orgerie : les data-centers mis à la diète - actualité de la délégation Bretagne et Pays de la Loire (16/12/2020)

Contact

Anne-Cécile Orgerie
Chargée de recherche CNRS à l'IRISA