Anne-Cécile Orgerie : le numérique au défi des économies d’énergie

Distinctions Informatique

Quelle est l’empreinte environnementale du numérique et comment la réduire? Ces questions sont au cœur des travaux d’Anne-Cécile Orgerie, directrice de recherche CNRS à l'Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (IRISA - CNRS/Université de Rennes 1). Ses contributions lui valent de recevoir le Prix informatique Lovelace-Babbage de l’Académie des sciences, en partenariat avec la Société informatique de France.

Avec le développement et la démocratisation des outils numériques, vient la question de leur empreinte environnementale. Anne-Cécile Orgerie y apporte des réponses depuis l’IRISA. Cette directrice de recherche CNRS à l'IRISA y mesure l’impact des systèmes distribués, dont le cloud et les centres de calcul sont des exemples énergivores et élabore des solutions pour réduire cet impact.

«Je me suis d’abord intéressée à la consommation électrique et au bilan carbone des serveurs et centres de calcul, mais je me penche aussi sur leurs besoins en eau pour leur refroidissement, précise Anne-Cécile Orgerie. J’ai apporté de nombreux éclairages sur la consommation réelle de ces systèmes et j’ai identifié diverses sources de gaspillages.»

Alors que ces questions sont généralement traitées par de la modélisation pure, Anne-Cécile Orgerie part d’expérimentations concrètes. Elle est en effet responsable scientifique du pôle rennais de la plateforme expérimentale Grid’5000. Répartie entre une dizaine de sites en France, Grid’5000 est une véritable infrastructure distribuée équipée d’appareils tels que des wattmètres. Les chercheurs et chercheuses peuvent y déployer toutes sortes d’usages numériques, tels que des serveurs de streaming vidéo ou de visioconférence, et les étudier aussi finement qu’avec un microscope. Les mesures réelles effectuées servent ensuite à établir des modèles génériques pour en tirer, notamment, une estimation de leur empreinte carbone à plus large échelle.

Depuis plus de vingt ans, Grid’5000 reproduit à petite échelle l’infrastructure d’un important fournisseur de cloud.

«Comme GRID’5000 est refroidi, pour des raisons de taille, principalement par air plutôt qu’avec de l’eau, nous utilisons les rapports environnementaux annuels des data centers pour modéliser leur consommation en eau», poursuit Anne-Cécile Orgerie. Elle récupère en effet dans la littérature scientifique et technique ce qu’elle ne peut pas mesurer directement.

Anne-Cécile Orgerie explore ensuite deux grandes pistes. D’abord, l’optimisation de l’efficacité énergétique par informatique. L’adaptation dynamique des ressources permet par exemple de gérer la consommation de centres de calcul qui ne tournent pas tout le temps à plein régime. La chercheuse étudie également l’emploi d’énergies renouvelables, qui ont souvent l’inconvénient d’être intermittentes. L’optimisation est là encore très utile pour faire des économies.

Mes travaux ont vocation à déboucher sur des stratégies d’économie d’énergie.

Forte de ses résultats, Anne-Cécile Orgerie développe des solutions pour la sobriété numérique, dans le cadre de travaux pluridisciplinaires pour sensibiliser les utilisateurs et les fournisseurs de service. Pour l’ensemble de ses travaux, elle a reçu le Prix informatique Lovelace-Babbage de l’Académie des sciences, en partenariat avec la Société informatique de France. Il lui a été remis le 26 novembre, lors d’une cérémonie à l’Académie des sciences.

«Ce prix est important car l’étude de l’impact environnemental du numérique reste une discipline récente, se réjouit Anne-Cécile Orgerie. C’est toute une communauté qui est reconnue à travers lui.» La directrice de recherche poursuit ses travaux avec plusieurs projets en cours, sur des sujets comme la sobriété numérique, les infrastructures de réseaux mobiles ajustés aux besoins des utilisateurs ou encore les infrastructures de streaming limitées en ressources. Avec des collègues issus des sciences humaines et sociales, Anne-Cécile Orgerie veut explorer des moyens de limiter les usages par utilisateur pour le visionnage de vidéos en ligne, une activité qui est l’une des plus grosses consommatrices de bande passante et de puissance de calcul. L’objectif reste en tout cas toujours le même : réduire l’empreinte environnementale des technologies numériques.

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Anne-Cécile Orgerie
Directrice de recherche CNRS à l'IRISA