David Cohen, un mariage réussit entre psychiatrie, informatique et robotique
David Cohen est professeur à Sorbonne Université et chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris. En tant que membre de l’Institut des systèmes intelligents et de robotiques (ISIR – CNRS/Sorbonne Université), il mène des recherches à la frontière entre psychiatrie, robotique et apprentissage automatique. Il est honoré par le grand prix de la Fondation Philippe et Maria Halphen 2024, décerné par l’Académie des sciences, pour ses travaux particulièrement novateurs sur les psychoses.
Pionnier dans sa discipline, David Cohen, professeur à Sorbonne Université, membre de l'ISIR, allie depuis plus de vingt ans la psychiatrie, la robotique et l’intelligence artificielle pour mieux comprendre et traiter les troubles du neuro-développement et les maladies mentales précoces. En 1987, il obtient un diplôme en neurosciences de l'université Pierre et Marie Curie et de l'École normale supérieure, puis un doctorat en médecine en 1992. Il se spécialise alors en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.
David Cohen mène, dans un premier temps, des études cliniques et des recherches s’appuyant sur des outils classiques de son domaine comme la génétique ou la biologie moléculaire. Mais alors qu’il travaille sur le traitement du signal social, sa rencontre avec l’ingénieur en robotique Mohamed Chetouani, professeur à Sorbonne Université et membre de l’ISIR, marque un tournant dans sa carrière. Leurs univers, en apparence éloignés, s’avèrent en réalité bien plus proches qu’imaginés.
L’un veut faire en sorte que les machines comprennent certaines caractéristiques de l’humain dans leurs interactions. L’autre est confronté à de nombreux patients ayant des difficultés avec les interactions sociales. « Nous nous sommes aperçus que les modélisations en robotique pouvaient nous éclairer sur ce qui se passait au niveau clinique. Cela a été le début d’une collaboration qui se poursuit jusqu’à aujourd’hui », précise David Cohen. Leurs premiers travaux sur le signal social prosodique (la voix) dans les interactions parents-bébé leur apportent une importante visibilité à l’international. Riche de ce succès, David Cohen décide alors de transférer ses activités de recherche d’un laboratoire de psychiatrie à l’ISIR.
Ces travaux interdisciplinaires ont ensuite donné lieu à de nouvelles méthodes de rééducation. David Cohen et ses collaborateurs ont ainsi travaillé sur trois jeux sérieux. Le dispositif eGOLIAH, par exemple, contraint l’enfant pour jouer, à interagir avec un parent ou un soignant. L’outil Dynamilis aide les enfants à améliorer leur écriture. Le jeu Poppins s’attaque, quant à lui, aux problèmes de lecture et a fait l’objet d’un essai randomisé. « C’est vraiment gratifiant d’aboutir à des applications concrètes. Dans cette même idée, nous développons actuellement des dispositifs robotiques pensés comme des assistants de vie scolaire », précise le psychiatre. Par exemple, un robot repère des difficultés subtiles chez l’enfant, comme une perte d’attention, et demande à un enseignant d’intervenir.
Un autre axe cher à David Cohen concerne ses recherches récentes sur les syndromes catatoniques qui associent des symptômes psychiatriques et moteurs. Avec Benoît Girard, directeur de recherche CNRS à l’ISIR et spécialiste de la modélisation du cerveau, il a mis au point un modèle computationnel de la catatonie. Ils ont ainsi pu mettre en évidence un phénomène ondulatoire qui envahit et déséquilibre le cerveau. « Ce sont des résultats préliminaires extrêmement encourageants et innovants. Désormais, nous voulons appliquer des méthodes de machine learning dans le but d’extraire des motifs cachés dans le signal électrique d’encéphalogrammes de patients et ainsi mieux comprendre ce phénomène », ajoute David Cohen.
Pour ses travaux novateurs sur les maladies psychiatriques, l’Académie des sciences vient de décerner à David Cohen le grand prix de la Fondation Philippe et Maria Halphen. « C’est une récompense pour les équipes avec qui je travaille, mais aussi la reconnaissance d’une prise de risque. Celle de m’être associé à des ingénieurs en robotique à une époque où cela n’existait pas encore, mais qui s’est avéré être un pari gagnant », conclut-il.