Détecter automatiquement les cellules cancéreuses
Avec des dizaines de millions de nouveaux cas et plusieurs millions de décès par an en Europe et dans le monde, le cancer reste un problème majeur de santé publique. Les enjeux de la mise au point d’outils d’aide au dépistage, d’amélioration des diagnostics et d’aides au suivi thérapeutiques des cancers restent énormes, en termes de fiabilité médicale et en termes d’économie de santé. Des recherches menées en Basse-Normandie visent à aider les pathologistes dans leur diagnostic en leur fournissant une analyse automatique des images des prélèvements des patients. La mise en application de ces recherches constitue une avancée énorme dans la sûreté du diagnostic et l’échange d’informations entre experts.
Pour détecter si des cellules sont cancéreuses ou non, les médecins effectuent un prélèvement qu’ils placent sur une lame de verre, afin d’observer et d’identifier les modifications structurales des cellules qui indiqueraient une tumeur. Depuis plus de 15 ans, un système de lames virtuelles, c’est-à-dire de numérisation de ces lames de verre, s’est mis en place. Dans le même temps, le Groupe de REcherche en Informatique, Image, Automatique et Instrumentation de Caen (GREYC - CNRS/ENSICAEN/Université Caen Basse-Normandie) s’est rapproché du CHPC de Cherbourg-Octeville pour chercher à développer un outil numérique d’aide au diagnostic. En effet, une lame peut présenter jusqu’à un million de noyaux de cellules.
Le projet PLAteforme NUmérique de pathologie pour la prise en charge des Cancers (Planuca) vise l’analyse automatique de l’image pour en extraire automatiquement les noyaux les plus intéressants en fonction de leur taille, caractéristiques de forme ou de texture. L’INSERM à Caen et la start-up Datexim, issue du GREYC, se sont joints au projet. Le but de ce projet de recherche est de doter les systèmes d’acquisition utilisant les lames virtuelles en microscopie cellulaire d’une large gamme d’outils avancés de quantification d’analyse d’images et de données en ligne. L’objectif est d’offrir aux médecins et pathologistes des outils de quantification modernes et fiables, susceptibles de les assister dans le contexte du dépistage, de l’amélioration du diagnostic et de l’aide au suivi thérapeutique des cancers. De plus, l’ensemble des informations en ligne permet un partage de diagnostics et d’expériences entre pathologistes, mais aussi d’échanges de lames virtuelles pour la formation et la recherche.
Pour le GREYC, les recherches se concentrent autour de l’analyse et le traitement de données dont les relations peuvent se représenter par des grands graphes, approche d’une grande actualité dans le contexte de l’analyse de données massives. Malgré son importance, relativement peu d’équipes au niveau international se sont attaquées à étendre la théorie du signal à des données supportées par des graphes. L’équipe image du GREYC est parmi les premières à proposer, formaliser et étendre les équations différentielles et méthodes variationnelles, usuellement utilisées pour traiter des signaux réguliers comme les images, aux graphes de topologie arbitraire. Cela permet de traiter et d’analyser de manière unifiée tout type de données : images, vidéos, maillages, nuages de points 3D et bases de données. En particulier, des méthodes unifiées permettant à la fois d’extraire différents objets cellulaires et de les classer. Au-delà de l’aide au diagnostic et de l’échange entre pathologistes, le système permettra également d’exploiter directement ou via Internet, des données massives provenant du CHPC et du CHU et de faire de la fouille de données pour en extraire des nouvelles connaissances, pour l’aide au diagnostic ou la formation à distance.
La pathologie numérique est un domaine d’application majeur sur lequel très peu d’équipes à l’échelon mondial se sont encore penchées. Peu exploré jusqu’alors, ce domaine va cependant devenir très compétitif dans les années à venir, vu les enjeux en terme d’économies de santé et de qualité des soins. Les partenaires impliqués disposent d’une collaboration multidisciplinaire de longue date et bien établie, entre informaticiens, pathologistes et Datexim, jeune entreprise régionale innovante. Leur expertise permet d’anticiper les besoins en pathologie numérique, en proposant des ouvertures technologiques innovantes pour répondre aux enjeux médicaux et socio-économiques ainsi qu’aux besoins de marché dans le domaine de la pathologie numérique et de la e-cancérologie au niveau international.
Start-up Datexim
Créée en 2011, la société Datexim s’est illustrée dès 2012 en étant lauréate du concours national d’aide à la création d’entreprises innovantes du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche dans la catégorie « création et développement ». Les deux cofondateurs, Jean-Hugues Pruvot et Arnaud Renouf, sont deux anciens doctorants du GREYC. Leur volonté était de valoriser les travaux de recherche issus du laboratoire. Pour cela, Datexim développe et commercialise Pathology Suite, une solution permettant de détecter des cancers automatiquement, avec une qualité inégalée, grâce à l’analyse visuelle d’échantillons cellulaires. Dans le cas du cancer du col de l’utérus, dont décèdent chaque année 300 000 femmes dans le monde, Datexim atteint un taux de détection bien supérieur à l’œil humain. En effet, les analyses sont traditionnellement effectuées par des techniciens, difficiles à former et à recruter, et dont la fiabilité baisse après des heures d’observation les yeux rivés au microscope (1 cas sur 3 n’est pas détecté lors des analyses manuelles !).