EIC Accelerator : Kayrros, des solutions innovantes pour le suivi des ressources énergétiques

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Le programme EIC Accelerator fait partie du projet pilote de l’European Innovation Council, qui soutient les innovateurs, les entrepreneurs et les scientifiques en leur offrant des possibilités de financement pour soutenir la création d’entreprises. Rencontre avec Alexandre d’Aspremont, directeur de recherche au Département d'Informatique de l'École normale supérieure (DI ENS - CNRS/ENS/Inria), qui est l’un des fondateurs de Kayrros, lauréat de l’EIC Accelerator.

Comment s’est créé Kayrros ?

Alexandre d’Aspremont : Fondée en 2016, la PME Kayrros émerge d’un constat global : il existe peu d’informations quantitatives dans le secteur de l’énergie sur des données macroéconomiques comme les stocks de pétrole. Sur ces questions cruciales sur le plan économique et environnemental, on ne disposait jusqu’à présent pas de la technologie adéquate pour obtenir ce genre de chiffres, qui plus est à l’échelle mondiale. Ainsi est né notre premier produit, qui permet de mesurer en temps réel les stocks de pétrole dans le monde, à partir d’images radar. Antoine Rostand – président et fondateur de la PME - a rassemblé autour de ce projet quatre autres co-fondateurs de Kayrros en 2015. Durant cette première année, nous avons défini ce qu’allaient être nos produits. Mon rôle était d’animer les discussions et la réflexion sur les paramètres techniques du projet, mais aussi de procéder aux premiers recrutements pour développer notre technologie. Aujourd’hui, le projet rassemble près de 150 collaborateurs alors que nous n’étions que cinq à sa création il y a trois ans !

Quels sont les enjeux scientifiques et techniques liés au développement de Kayrros ?

A. d’A. : Kayrros se concentre essentiellement sur des questions applicatives de haut niveau technique, notamment en imagerie spatiale. Nous travaillons avec des données brutes, et plus particulièrement sur leur interprétabilité et le traitement des données. Ce projet a pu se concrétiser grâce à une la constellation de satellites du programme européen Sentinel, qui observent la Terre, dont certains avec de l’imagerie radar, et à une collaboration avec un laboratoire grand spécialiste du sujet. Ce sont ces capteurs qui permettent de contrôler les niveaux des réserves en pétrole. Mon rôle au sein de Kayrros s’apparente à celui du conseiller scientifique : j’essaye d’identifier les algorithmes pouvant servir pour nos applications, de suivre les premiers tests de mise en pratique. Mon rôle se concentre donc sur les questions techniques et les partenariats avec les laboratoires. Mais les enjeux de Kayrros ne se résument pas au domaine technique.

Nous observons par exemple des variations des stocks de pétrole lors d’évènements géopolitiques (l’attaque récente en Arabie Saoudite) ou encore financiers.
Image numérique 3D d’un chantier naval réalisée par Kayrros © Kayrros

Nous fournissons ces chiffres à de nombreux acteurs de l’énergie, ainsi qu’à des compagnies aériennes par exemple qui utilisent ces données pour déterminer à quel moment acheter du carburant, par exemple.

Comment interagissez-vous avec les laboratoires et le monde de la recherche dans le cadre du développement de Kayrros ?

A. d’A. : Nous sommes bien sûr en contact avec des laboratoires parisiens pour le traitement d’images satellites. Les laboratoires français sont particulièrement compétents, dans le secteur spatial notamment, et nous ont beaucoup soutenu. Nous sommes également en lien avec le monde universitaire, car nous recrutons beaucoup d’élèves en master et de jeunes ingénieurs. Nous avons la chance d’avoir un vivier de jeunes diplômés d’excellent niveau.

Kayrros est lauréat de l’EIC Accelerator : comment avez-vous fait la différence selon vous pour obtenir cette récompense ?

A. d’A. : L’Union Européenne cherche à favoriser le développement d’entreprises du secteur de l’innovation et des technologies. Ce prix soutient de nombreux projets interne sur deux ans. Je pense qu’on a pu se développer aussi rapidement et obtenir des financements car le secteur de l’énergie est fondamental, notamment en raison des enjeux écologiques actuels. Ce secteur reste à ce jour peu couvert par la technologie. Notre positionnement sur ces questions a probablement fait la différence.

L’idée est d’étendre le projet en direction d’autres industries pour le suivi de la pollution, des forêts, etc.

Quelles sont les nouvelles applications que vous souhaitez développer ?

A. d’A. : L’idée est d’étendre le projet en direction d’autres industries pour le suivi de la pollution, des forêts, etc. Pour prendre l’exemple des émissions de gaz à effet de serre, la mesure et le contrôle de ces émissions nécessitent l’obtention de nouvelles données dans le domaine optique. À ce jour, il existe quelques satellites capables d’enregistrer les rayonnements dus au méthane et au dioxyde d’azote… Mais cela est en pleine expansion et nous espérons bientôt avoir également des données sur les émissions de gaz carbonique. Pour l’instant, le suivi est réalisé à partir de déclarations des grandes industries et quelques mesures au sol, ce sont donc des données très fragmentaires. L’enjeu semble évident : afin de contrôler et diminuer ces émissions, nous avons besoin de mesures précises ! Cela facilitera l’identification des pollueurs et l’attribution de ces émissions. Mais de nombreuses autres applications sont envisageables comme la surveillance des infrastructures publiques (lignes à haute tension, etc.). Ces images satellites offrent également la possibilité de faire de la reconstitution d’images 3D pour prévenir le risque de catastrophe naturelle et d’en mesurer l’ampleur. 2020 promet d’être une année riche pour Kayrros !

Contact

Alexandre d'Aspremont
Directeur de recherche CNRS au DI ENS