Elsa Dupraz et les codes correcteurs d’erreurs pour les télécommunications
Elsa Dupraz est maîtresse de conférences en traitement de l’information à IMT Atlantique et membre du Laboratoire des sciences et techniques de l'information, de la communication et de la connaissance (Lab-STICC - CNRS/ENIB/ENSTA Bretagne/IMT Atlantique/Université Bretagne Occidentale/Université Bretagne-Sud). Elle est récompensée par le prix Espoir IMT-Académie des sciences 2024 pour ses recherches innovantes sur les codes correcteurs d’erreurs pour les télécommunications.
Lorsque des données sont envoyées par un canal comme une connexion internet, via des ondes radio ou un câble, il est fréquent que certaines informations se perdent ou soient altérées en cours de route. Le message reçu contient alors des erreurs. Une façon d’y remédier est d’utiliser le codage de canal. Cette technique repose sur la redondance, c'est-à-dire l'ajout de données supplémentaires aux informations envoyées, pour permettre la correction des erreurs à la réception. Largement utilisée en télécom, elle s’avère également utile à des applications bien plus vastes comme le montrent les recherches d’Elsa Dupraz, maîtresse de conférences à IMT Atlantique et membre du Lab-STICC.
C’est lors de sa thèse sur la compression distribuée qu’elle découvre le codage de canal. Celui-ci est ensuite au cœur de son post-doctorat réalisé entre l’Université d’Arizona et l’ENSEA à Cergy-Pontoise. Depuis son arrivée à IMT Atlantique en 2015, Elsa Dupraz explore trois applications innovantes de ces codes correcteurs d’erreurs : le calcul en mémoire, le stockage de données dans l’ADN et l’apprentissage sur des données compressées. « Ces domaines sont souvent sujets aux erreurs. Mon travail consiste à déterminer comment celles-ci se produisent, où elles se trouvent et leurs conséquences, puis à développer des codes qui permettront de les corriger », explique Elsa Dupraz.
Comme son nom l’indique, le calcul en mémoire vise à déporter une partie des calculs directement dans la mémoire. L’enjeu : réduire la consommation énergétique des échanges de données répétés entre la mémoire et le processeur de systèmes électroniques. « La difficulté est qu’une mémoire est moins fiable qu’un processeur et donc que des erreurs peuvent s’introduire et se propager tout au long du calcul », explique Elsa Dupraz. Avec ses collègues, elle élabore donc des codes directement intégrés au calcul en mémoire, capables de détecter et de corriger les erreurs. Ces travaux s’avèrent particulièrement intéressants pour réduire la consommation énergétique des réseaux de neurones au cœur des grands modèles de langage, particulièrement énergivores.
Elsa Dupraz s’intéresse également au stockage de données dans de l’ADN synthétique. L’idée est de convertir une information binaire en un message quaternaire utilisant les bases A, C, G et T de l’ADN. « L’avantage est que l’ADN se conserve à température ambiante et supporte une gamme de température plus importante qu’un disque dur », décrit la chercheuse. D’abord, l’ADN est synthétisé par des techniques utilisées pour la fabrication de médicaments. Les informations sont ensuite récupérées en séquençant la molécule. Les codes correcteurs développés par Elsa Dupraz permettent de gérer les erreurs de lecture qui ont tendance à ajouter ou à retirer des bases. Cette solution a déjà été appliquée avec succès au décodage de molécules de petites tailles.
Le dernier sujet abordé par la chercheuse est le plus proche d’une utilisation à grande échelle. L’enjeu : utiliser le codage de canal de manière inverse pour compresser des données. Au lieu d’ajouter des redondances dans des informations comme habituellement, il sert ici à les retirer. Ces données compressées peuvent ensuite être utilisées pour entraîner des algorithmes d’apprentissage sans décompression préalable.
Elsa Dupraz est aujourd’hui récompensée pour ses recherches innovantes par le Prix Espoir IMT-Académie des sciences 2024. « Cela met en lumière nos travaux sur un outil qui a encore beaucoup à offrir au-delà du domaine dans lequel il a émergé. Je suis contente de contribuer, par ce prix, à mettre ce potentiel en avant », confie la chercheuse.