Enka Blanchard, l’analyse des interactions entres les humains et leurs environnements
Enka Blanchard a rejoint le Laboratoire d’Automatique, de Mécanique et d’Informatique Industrielles et Humaines (LAMIH - CNRS/Université Polytechnique Hauts-de-France) en 2021 en tant que chargée de recherche CNRS.
Quel est votre domaine de recherche ?
Enka Blanchard : Le domaine de ma thèse soutenue en 2019 était l’utilisabilité de la sécurité, en particulier pour ce qui touche à l’authentification en ligne et aux systèmes de vote (électroniques mais aussi par bulletins papiers). J’étais co-encadrée par Ted Selker, un spécialiste des interactions humains-machines qui était en partie sorti du monde universitaire, et par Nicolas Schabanel qui faisait des algorithmes probabilistes (et qui depuis se concentre sur l’auto-assemblage en biologie, nous avons donc divergé dans des directions très différentes).
Après ma thèse j’ai évolué de plus en plus vers les sciences humaines et sociales, avec des travaux en études du handicap (où je vois des interactions intéressantes avec des concepts de STS et de cybersécurité) et en géographie humaine. Au-delà de l’intérêt intrinsèque de ces recherches, c’est une manière de multiplier les collaborations et, en étant toujours au contact d’experts d’autres domaines, de rester en position d’apprenante.
Je garde donc un pied dans mes sujets initiaux (cryptographie, sécurité du vote, méthodes biométriques), mais je me concentre désormais sur l’analyse des interactions entres les humains et leurs environnements, que ces derniers soient des systèmes de sécurité, d’autres humains ou des institutions.
Qu’avez-vous fait avant d’entrer au CNRS ? Pourquoi avoir choisi le CNRS ?
E. B. : Après n’avoir vu aucune annonce de poste correspondant à mes compétences pendant toute la durée de ma thèse, j’ai eu juste à temps la chance d’entendre parler du projet Digitrust de l’Université de Lorraine. L’équipe cherchait à recruter une personne en post-doctorat pouvant faire le lien entre ses différents laboratoires et lancer des projets interdisciplinaires. Il se trouve que j’avais déjà des idées qui pouvaient impliquer cinq des six laboratoires présents, et j’avais très envie de servir d’interface, ce que j’ai fait pendant un petit peu plus de deux ans. Le Covid-19 a hélas empêché la réalisation de plusieurs de ces projets (nécessitant des expériences en présentiel).
Par contre, ça a été l’occasion d’avoir une directrice géniale, Marine Minier du Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (Loria - CNRS/Université de Lorraine/Inria), qui m’a encouragée à suivre mes idées peu importe leurs ancrages disciplinaires, ce qui a été à la fois épanouissant et très productif. Comme pendant ma thèse, j’ai eu la chance d’avoir un encadrement me laissant une liberté totale de sujet tout en ayant un suivi et des conseils dès que j’en avais besoin, et je reste aujourd’hui en contact proche avec les différentes personnes qui m’ont encadrée.
C’est d’ailleurs pour cette raison que je voulais entrer au CNRS : la possibilité de poursuivre mes recherches sans avoir de forte contrainte disciplinaire, et les options de mobilité (géographique et disciplinaire).
Qu’est-ce qui vous a amené à faire de l’informatique et/ou des sciences du numérique ?
E. B. : Je savais que je voulais être mathématicienne quand j’avais sept ans. À part des hésitations très temporaires à mon adolescence, je savais donc ce que je voulais faire. Les mathématiques qui me plaisaient sont typiquement à la frontière de l’informatique (théorie des graphes, complexité, logique), et j’ai donc suivi un cursus presque standard (à part mon entrée à l’ENS Paris en passant le concours comme candidate libre). C’est pendant ma thèse que j’ai commencé à m’occuper de sécurité du vote, puis de cybersécurité, et le fait de travailler sur des sujets de société était rafraîchissant, et c’est depuis devenu central dans ma recherche.