HEART.FM, au cœur de la musicothérapie : ERC Proof of Concept d'Elaine Chew

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La musique adoucit les mœurs, mais elle a également des bénéfices sur la santé cardiovasculaire. Le projet HEART.FM a ainsi reçu une bourse ERC Proof of Concept afin de développer une application capable de personnaliser la musicothérapie, en fonction des signaux physiologiques des patients. La pianiste et mathématicienne Elaine Chew orchestre l’équipe basée au laboratoire Sciences et technologies de la musique et du son (STMS — CNRS/Ircam/ministère de la Culture et de la Communication/Sorbonne Université).

Tout le monde aime la musique et lui prête mille vertus. Elle relaxe, donne envie de bouger, de pleurer… Son impact réel est cependant difficile à quantifier. Elaine Chew, chercheuse au laboratoire Sciences et technologies de la musique et du son (STMS, CNRS/Sorbonne Université/IRCAM/Ministère de la Culture), s’attache à mesurer comment le quatrième art influe sur des critères physiologiques, comme la tension artérielle ou le pouls. Elle a obtenu, avec son équipe, un financement ERC Proof of Concept pour HEART.FM.

Cosmos1 , son premier ERC, a livré des modèles mathématiques de l’impact de la musique et de son interprétation instrumentale sur le corps humain. « L’analyse de la musique se focalise trop souvent sur l’étude des partitions, déplore Elaine Chew. Nous préférons regarder comment la musique est jouée et perçue, puisque c’est ainsi que nous entrons le plus souvent en contact avec elle. » Un thème au centre des préoccupations de la chercheuse, elle-même pianiste de haut niveau qui compose par exemple des études basées sur l’arythmie cardiaque.

  • 1Computational shaping and modeling of musical structures, mise en forme et modélisation informatique des structures musicales.
En tant que musicienne, je manipule la musique pour toucher les gens. En tant que mathématicienne, je veux comprendre comment ça fonctionne. 

L’analyse synchronisée de structures musicales et d’électrocardiogrammes intracardiaques a mis en évidence un impact sur l’électrophysiologie cardiaque. HEART.FM compte étendre ces travaux à la pression artérielle, grâce à une application de musicothérapie capable de s’adapter aux patients, en fonction de leurs signaux biologiques. « La musique agit sur le système nerveux autonome, qui régule le pouls et la tension, explique Elaine Chew. Même des courts extraits suffisent à stabiliser des signes vitaux et améliorer certains symptômes cardiaques à court terme. La musicothérapie utilise et prolonge ces effets bénéfiques. » La musique agit également sur l’irrigation du cerveau et peut diminuer le stress et l’anxiété.

Les électrogrammes intracardiaques et le activation recovery interval (ARI), un substitut de la action potential duration (APD) © Chew, Taggart, Lambiase
Les structures musicales et le activation recovery interval (ARI) synchronisés pour montrer que les changements ARI sont plus proches des changements de structure musicale que du hasard © Chew, Guichaoua, Bedoya, Taggart, Lambiase

HEART.FM s’attache beaucoup à la question de la pression artérielle, un facteur primordial de l’équilibre du corps. La prise de tension est en effet un des outils de diagnostic les plus courants. Pour ceux qui souffrent d’hypertension, même une légère amélioration de la pression suffit à réduire les risques de maladies cardiovasculaires et, plus généralement, la mortalité toutes causes confondues. Cependant, la personnalisation d’une musicothérapie par un professionnel demande énormément de temps et de ressources, d’où l’idée d’automatiser une partie du processus avec HEART.FM.

La relaxation varie énormément : certaines personnes aiment les musiques fortes et rapides, d’autres ne les supportent pas. 

Avec l’aide de Pier Lambiase, de l’University College de Londres et du Barts Heart Centre, et de Philippe Petit de CNRS Innovation, l’équipe explorera l’usage de différents instruments portatifs. Le but étant que chacun puisse utiliser l’application tout seul. D’autres paramètres que la tension, reflétant les activités électriques cardiaques ou respiratoires, pourraient également être à terme pris en compte afin d’adapter les chansons et morceaux diffusés à chacun. Or se reporter à un questionnaire sur les goûts des gens ne suffit pas à optimiser la thérapie, les signaux physiologiques offrent une réponse bien plus fiable aux scientifiques et médecins.

HEART.FM va donc utiliser des capteurs légers, dont plusieurs sont déjà disponibles sur le marché, comme les montres, bracelets et ceintures à destination des sportifs. Les chercheurs devront déterminer le juste milieu entre précision, efficacité, coût et portabilité. Les données pourront également être récupérées afin de mener des études de cohortes sur ces traitements. Cet ERC Proof of Concept sera ainsi l’occasion de démocratiser et de valoriser la musicothérapie personnalisée.

L’équipe de HEART.FM, de gauche à droite : Elaine Chew, Pier Lambiase et Philippe Petit

EHRA2020: Cardiac Response to Live Music Performance: Effect of large-scale musical structure ...

Réponse cardiaque à performance musicale en direct, présentation d'Elaine Chew et Pier Lambiase (en anglais) pour le portail EHRA Essentials 4 You de la Société européenne de cardiologie (ESC).

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Elaine Chew
Directrice de recherche CNRS à STMS