Jean Kieffer, entre théorie des nombres et cryptographie

Quel est votre domaine de recherche ?

Jean Kieffer : Mes travaux sont à l’intersection de deux domaines de recherche : d’une part, la cryptographie, dont le but est de décrire des protocoles de communication informatique sécurisés comme entre votre ordinateur et ce site web ; et d’autre part, la théorie des nombres en mathématiques « pures ». Ces deux domaines se rejoignent car ils reposent sur les mêmes objets mathématiques, notamment des courbes spéciales appelées courbes elliptiques. Mes travaux consistent plus précisément à étudier ces objets et les algorithmes qui s’y rapportent. Du côté de la cryptographie, ces algorithmes peuvent ensuite servir à construire de nouveaux protocoles plus efficaces et sûrs – ou au contraire, dévoiler des vulnérabilités dans certains protocoles ! Du côté de la théorie des nombres, ils permettent d’effectuer des calculs en pratique qui peuvent guider la recherche fondamentale.

Qu’avez-vous fait avant d’entrer au CNRS ? Pourquoi avoir choisi le CNRS ?

J.K. : L’aspect multidisciplinaire de mon domaine de recherche se retrouve dans mon parcours. Je travaille actuellement dans un laboratoire d’informatique, le LORIA, dans une équipe de cryptographes, mais je suis mathématicien de formation. Après des études de mathématiques fondamentales à Paris, j’ai fait une thèse – toujours en mathématiques - à Bordeaux au sein de l’équipe projet commune LFANT (CNRS/Inria/Université de Bordeaux), maintenant nommée CANARI. J’ai ensuite fait un post-doctorat à l’Université Harvard pendant un peu plus de deux ans dans le cadre d’un groupement de recherche entre plusieurs universités de la région de Boston, la Simons Collaboration on Arithmetic Geometry, Number Theory, and Computation. J’avais également candidaté à un poste à Inria. J’ai choisi le CNRS car je souhaitais rentrer en France pour des raisons personnelles, et j’apprécie beaucoup la liberté qu’offre un poste permanent de chercheur.

Qu’est-ce que qui vous a amené à vous intéresser aux sciences informatiques ?

J.K. : Après mon master, j’aurais tout à fait pu me lancer dans une thèse en mathématiques fondamentales. C’est la curiosité qui m’a poussé à suivre en parallèle de mon master quelques cours d’informatique, dont un cours de cryptographie à l’Université Paris VII - maintenant Université Paris-Cité - qui m’a beaucoup plu. J’ai donc demandé au chercheur qui donnait le cours s’il avait un sujet de stage à me proposer pour le semestre suivant, et cela s’est fait comme ça ! In fine, j’ai la chance de pouvoir parler au quotidien avec des chercheurs de spécialités différentes, mathématiciens et informaticiens, ce qui enrichit beaucoup mes recherches.