Les spécificités des cerveaux de nouveaux-nés prématurés révélées par la 3D

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Les médecins savent depuis longtemps que les bébés prématurés ont sur certains aspects une morphologie particulière. Pour la première fois, une étude vient d’être menée pour comparer des IRM de cerveaux de grands prématurés avec des cerveaux de fœtus du même âge encore dans le ventre de leur mère. Des informaticiens, chercheurs en traitement des images et neurobiologistes se sont réunis autour de ce projet original dont l’article vient de paraître dans Cerebral Cortex, journal réputé en neurosciences.

Il est connu que le cerveau humain acquière ses circonvolutions, c’est-à-dire ses plissements caractéristiques, au cours du stade fœtal et plus exactement entre les 20ème et 40ème semaines de développement. Mais le mécanisme sous-jacent reste encore inconnu. Pour comprendre l’origine de ces plissements, et voir si ces circonvolutions peuvent être la signature d’autres phénomènes sous-jacents, des images de cerveaux obtenues par Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) ont été collectées dans un contexte de diagnostic anténatal. L’étude "Are Developmental Trajectories of Cortical Folding Comparable Between Cross-sectional Datasets of Fetuses and Preterm Newborns ?"* réalisée dans le cadre du projet ANR MoDeGy et coordonnée par Julien Lefèvre du Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes (LSIS – CNRS/Université Aix-Marseille, Université de Toulon) et de l’Institut des Neurosciences de la Timone a permis une avancée dans cette exploration. Les chercheurs ont comparé pour la première fois, en utilisant des analyses aussi proches que possible, les cerveaux dans un groupe de fœtus et un groupe de grands prématurés (près de 3 mois avant terme) d’âge comparables. Les chercheurs ont ainsi pu mettre en parallèle les trajectoires de développement de cerveaux humains in et ex utero.

Pour arriver à ce résultat, plusieurs étapes ont été nécessaires. Tout d’abord un travail important a été réalisé sur la qualité des images d’IRM en elles-mêmes : en effet, les mouvements non contrôlables du fœtus demandaient des corrections d’artefacts sur ces images, en utilisant la résolution d’un problème inverse. Une fois les images reconstruites et « nettoyées », le logiciel Brainvisa segmentait de façon précise les différents tissus biologiques (matière grise, future matière blanche, liquide céphalo-rachidien). Le modèle numérique de la surface du cortex est alors construit. Ce modèle 3D permet d’obtenir un certain nombre de mesures quantitatives, qu’elles soient globales (volume ou aire totale) ou plus locales (courbures). Pour comparer deux modèles 3D entre eux, des recherches en modélisation géométrique ont été menées pour proposer des descripteurs locaux de la géométrie du cerveau, à l’aide de deux indices : l’indice de forme (shape index en anglais) et l’intensité de courbure (curvedness en anglais), obtenus à partir des deux courbures principales orthogonales qui définissent le plissement à chaque point.

cerveaux courbures
Figure 1 : Représentations schématiques des intensités de courbure et indices de forme appliqués à deux cerveaux de prématurés de 26,7 semaines de gestation et 35,7 semaines de gestation.

Il ressort des indices descriptifs que les nouveaux-nés prématurés ont un cerveau nettement plus plissé que celui des fœtus du même âge ce qui corrobore l’expertise des radiologues (voir figure 2). Néanmoins les vagues d’apparition des plis ne semblent pas différer d’un groupe à l’autre. Les résultats de cette étude suggèrent donc que la différence de milieux (in versus ex utero) pourraient être à l’origine de ces différences morphologiques observées. Ces résultats ont déjà été présentés au congrès européen de résonance magnétique nucléaire.

cerveaux comparaison
Figure 2 : IRM et reconstruction du modèle 3D de cerveaux pour des fœtus en haut et des prématurés d’âge de conception équivalents en bas.

Après ce travail important sur la création et la comparaison de ces modèles 3D, l’équipe de chercheurs souhaiterait mieux comprendre l’origine des différences observées. Plusieurs observations sont en effet flagrantes, comme par exemple le fait qu’il y ait beaucoup plus de liquide céphalo-rachidien (partie blanche des IRM de la figure 2) chez les fœtus que chez les prématurés. Travailler sur des IRM d’un même enfant juste avant sa naissance et juste après permettrait également de mettre en lumière les conséquences physiologiques de l’accouchement.

  • *Julien Lefèvre, David Germanaud, Jessica Dubois, François Rousseau, Ines de Macedo Santos, Hugo Angleys, Jean-François Mangin, Petra S. Hüppi, Nadine Girard, et François De Guio