L’informaticien Maurice Herlihy nommé CNRS Fellow Ambassadeur

Institutionnel Informatique

Maurice Herlihy rejoint le CNRS en tant que Fellow Ambassadeur, dispositif dans la tradition des « professeurs invités ». Rencontre avec cet éminent professeur d’informatique spécialiste des systèmes distribués à l’Université Brown aux États-Unis.

En rejoignant le CNRS en tant que Fellow Ambassadeur1 , l’informaticien américain Maurice Herlihy retrouve le pays qui lui a fait aimer les mathématiques. « Alors que mon père, professeur d’histoire médiévale, passait une année sabbatique à la Sorbonne, j’ai étudié au Lycée de Sèvres où j’ai eu la chance d’avoir un enseignant de mathématiques très charismatique qui m’a donné goût à cette discipline », se souvient le chercheur.

Au début des années 1970, il opte donc pour la voie des mathématiques lors de ses études de premier cycle2 à l’université de Harvard. Une fois diplômé, il enjolive légèrement son CV pour décrocher un emploi dans l’écriture de programmes informatiques. Quelques années plus tard, Maurice Herlihy retrouve finalement les bancs universitaires et réalise un Master of Science, puis un doctorat en informatique au Massachussetts Institute of Technology (M.I.T).

  • 1Chaque chercheur du programme s'engage à passer au moins un mois par an, pendant trois ans, dans un ou plusieurs laboratoires en France, ce qui lui permettra d'échanger avec des doctorants, post-doctorants et chercheurs. Une dizaine de chercheurs exceptionnels, souhaitant renforcer leurs collaborations avec le CNRS, ses laboratoires et ses scientifiques ont été sélectionnés.
  • 2Équivalent à une Licence en France.
Quand j’ai commencé mes recherches au M.I.T, nous n'avions pas de mot de passe. La sécurité n'était pas une préoccupation, alors qu'aujourd'hui, c'est peut-être la plus grande.

Il commence alors à s’intéresser aux systèmes concurrents et distribués. « Le groupe dans lequel je travaillais concevait ce qui a peut-être été le premier langage de programmation pour les assistants distribués », raconte le chercheur. La question qui le fascine plus particulièrement est celle du consensus. En informatique, lorsque deux activités sont indépendantes, l’objectif est de terminer chacune d’elles le plus vite possible. Mais lorsqu’une activité dépend d’une autre et doit attendre que celle-ci soit achevée, les choses se compliquent. « J’ai mis au point la première formulation mathématique qui permet de déterminer lorsqu’il est nécessaire, ou non, que des activités s’attendent mutuellement », précise Maurice Herlihy. C’est ce qu’il appelle, avec son collègue J. Eliot B. Moss, la mémoire transactionnelle logicielle. Ses travaux ont depuis été adoptés par un grand éventail d’applications allant des bases de données à la conception de processeurs par des entreprises comme Intel et IBM.

Par la suite, il fait partie du corps enseignant de l'Université de Carnegie Mellon pendant cinq ans avant de rejoindre le monde industriel en 1989 au sein du laboratoire de recherche de la Digital Equipment Corporation (DEC). Il retrouve le milieu académique en 1994 lorsqu’il rejoint l'Université Brown où il est actuellement professeur d'informatique. Ses travaux exemplaires sur les systèmes distribués lui ont valu de nombreuses récompenses. Lauréat de trois prix Dijkstra (2003, 2012 et 2022), il a aussi reçu le prix Gödel en informatique fondamentale (2004) ou encore le prix ISCA de l'article le plus influent en 2008. Maurice Herlihy est également fellow de la National Academy of Inventors, de la National Academy of Engineering et de la National Academy of Arts and Sciences aux États-Unis.

Devenir Fellow Ambassadeur permet de créer des liens étroits entre les communautés de recherche et de stimuler les échanges.

Ces dernières années, le chercheur s’est intéressé aux blockchains qu’il considère comme les héritières des systèmes distribués. « Selon moi, le problème fondamental de l'Internet actuel est que deux entités (ou plus) qui ne se connaissent pas pourraient tirer des avantages réciproques à collaborer ensemble. Cela nécessite de déterminer la meilleure façon de coopérer et faire en sorte que ces acteurs soient suffisamment confiants pour exploiter cette opportunité », explique l’informaticien. C’est sur ces enjeux que le chercheur américain va collaborer avec ses collègues de l’hexagone en tant que CNRS Fellow Ambassadeur. Il rejoint le Laboratoire LIP6 (CNRS/Sorbonne Université) pendant un mois pour cette première année. « La science lutte toujours pour obtenir de la reconnaissance, des financements et du respect. Cette opportunité va apporter de la visibilité à tous ceux qui seront impliqués dans ces échanges », conclut Maurice Herlihy.

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Maurice Herlihy
Professeur à l'Université Brown, CNRS Fellow Ambassadeur