Ludovic Thomas et les réseaux temps-réels
Ludovic Thomas a rejoint en 2023 le Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (LORIA - CNRS/Inria/Université de Lorraine) en tant que chargé de recherche CNRS.
Quel est votre domaine de recherche ?
Ludovic Thomas : Je travaille sur les réseaux temps-réels. Ce sont des réseaux de communication qui utilisent des technologies similaires à Internet mais qui sont utilisés pour échanger des informations critiques pour contrôler des systèmes physiques. Un pilote automatique de voiture doit par exemple obtenir des informations venant des capteurs et donner des ordres aux freins, aux roues. C’est un réseau temps-réel qui se charge d’acheminer ces données et ces ordres entre l’ordinateur de bord, les capteurs et les actionneurs. Un tel réseau doit donc s’assurer que les données sont transmises et reçues dans les délais impartis. Contrairement à Internet, il ne doit pas « ramer », sinon il fait courir un risque sur la vie des personnes. Mon travail consiste à développer des outils mathématiques et des algorithmes qui permettent de calculer le délai maximal que les informations prennent pour traverser le réseau. Ces outils offrent des preuves formelles des performances du réseau et permettent sa certification.
Qu’avez-vous fait avant d’entrer au CNRS ? Pourquoi avoir choisi le CNRS ?
L.T. : J'ai obtenu mon diplôme d'ingénieur en 2018 et soutenu ma thèse en 2022 à l'Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-SUPAERO) à Toulouse. Ma thèse portait sur les technologies développées par l'Institute of electrical and electronics engineers (IEEE) au sein du groupe de travail Time-sensitive networking (TSN). J'ai eu la chance de pouvoir effectuer la moitié de ma thèse au LCA2 de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse, et j'y ai ensuite entrepris un post-doctorat. J'y ai alors étudié les régulateurs de trafic, des mécanismes utilisés dans les réseaux temps-réels qui « lissent » le trafic et dont, pour certains, les propriétés sont difficiles à comprendre.
J'ai choisi le CNRS pour son prestige international ainsi que pour la liberté qu'il offre, notamment pour développer des axes de recherche à long terme. Enfin, l'interdisciplinarité du CNRS est attrayante. On partage des repas, des événements et des formations CNRS avec des scientifiques en géologie, biologie, astrophysique, ethnologie, etc. qui révolutionnent leurs domaines et font des expérimentations aux quatre coins du monde (et ailleurs). C'est passionnant !
Qu’est-ce que qui vous a amené à vous intéresser aux sciences informatiques ?
L.T. : J'ai eu une enfance au contact des outils informatiques (je me rappelle du premier ordinateur que nos parents nous avaient acheté, du temps des modems et des disques durs de 2 Go !). Mais pendant longtemps, je n'y ai vu que des outils. Jusqu'à ma dernière année à l'école d'ingénieur, je voulais travailler dans l'industrie astronautique.
Mais mon professeur de réseau de dernière année Emmanuel Lochin, professeur à l'ENAC, a une passion très contagieuse. Et en lisant le livre de Jim Kurose et Keith W. Ross "Computer networking : a top-down approach", j'ai trouvé le principe de l'émergence - le fait que fait que de nouvelles propriétés émergent du simple fait de connecter des technologies, des personnes entre elles - fascinant. Mon travail de chercheur consiste justement à anticiper autant que possible ces émergences pour ne pas qu'elles aient des effets négatifs sur les performances des réseaux. Et en travaillant sur des réseaux temps-réels, je reste proche de ma passion pour l'astronautique !
Pour en savoir plus
Découvrez l'interview de Ludovic Thomas dans la série audio "Bienvenue à bord" du Loria.