Marie Alauzen et l'informatisation de l'État

Institutionnel

Marie Alauzen a rejoint en 2023 le Laboratoire d'analyse et modélisation de systèmes pour l'aide à la décision (LAMSADE - CNRS/Université Paris Dauphine - PSL) en tant que chargée de recherche CNRS.

Quel est votre domaine de recherche ?

Marie Alauzen : Mes travaux portent sur l’informatisation de l’État. À partir de trois années d’enquête dans les coulisses du service du Premier ministre responsable de la modernisation de l’État sous François Hollande, j’ai soutenu une thèse qui raconte le travail quotidien des agents modernisateurs et modernisatrices et plus particulièrement la mise en place du programme d’État plateforme. J’ai ainsi travaillé sur un sujet classique de sociologie politique — la réforme de l’État — au Centre de sociologie de l’innovation, sous la direction de Fabian Muniesa, soit dans un laboratoire de l’École des Mines spécialisé dans l’étude des sciences et les techniques qui m’offrait une perspective originale. J’ai ensuite continué à examiner des objets situés au croisement de la sociologie politique et de la sociologie des sciences et des techniques : comptabilité hospitalière, biométrie, manipulations de l’information et, désormais, traduction du droit en code. À chaque fois, la question qui guide mes travaux est de savoir ce que les technologies informatiques font aux relations entre l’État et les citoyennes et les citoyens.

Qu’avez-vous fait avant d’entrer au CNRS ? Pourquoi avoir choisi le CNRS ?

M.A. : Après ma soutenance, j’ai passé deux années comme ATER à l’École normale supérieure (ENS PSL) et deux années en postdoc : à Télécom Paris et au Laboratoire interdisciplinaire Sciences, innovations et sociétés (LISIS – CNRS/Inrae/Université Gustave Eiffel). Alors que je travaillais sur les manipulations de l’information, j’ai été contactée par une chercheuse en droit et un chercheur en informatique qui voulaient me parler de leur projet de langage dédié à la traduction du droit en code ; autrement dit, d’une initiative de modernisation de l’État née à l’extérieur de l’administration, dans un laboratoire. Leur projet m’a interpellée et j’ai réorienté mon programme pour saisir les difficultés logiques et syntaxiques posées par la traduction du droit, l’idéal de justice qui les animait et les défis qui allaient se présenter à eux. Le CNRS me semblait la seule institution qui me laisserait la liberté de développer une recherche sociologique plus vaste sur le droit et de mener de telles collaborations interdisciplinaires.

Qu’est-ce que qui vous a amené à vous intéresser aux sciences informatiques ?

M.A. : Entre 2009 et 2014, j’ai fait des études de sciences politiques qui auraient dû me mener à rejoindre l’administration. Aucun de nos enseignantes et enseignants n’a intégré dans son programme de relations internationales une réflexion sur la géopolitique des câbles sous-marins, aucun cours de droit administratif n’a tiré les conséquences du creusement de la fracture numérique et aucune séance de sociologie politique ne prenait au sérieux ni la vitalité ni la toxicité de la conversation en ligne. Ce manque est devenu patent lors d’un échange universitaire en Russie, au cours dune année de mobilisations contre la falsification d’un scrutin. Je me suis alors heurtée au rôle politique des technologies, à la fois les protocoles cryptographiques dont usaient les militantes et militants pour protéger leurs communications et leur identification par la police grâce à l’analyse des images de vidéosurveillance. J’ai donc décidé de m’orienter vers une thèse qui prendrait de front la thématique de la politique des technologies informatiques.

Contact

Marie Alauzen
Chargée de recherche au LAMSADE