Mauro Dalla Mura : de nouvelles modalités d’imagerie et de traitement d’image pour l’agriculture et l'environnement
Maître de Conférences à l’Institut polytechnique de Grenoble et chercheur spécialisé dans le traitement du signal au laboratoire Grenoble Image, Parole, Signal, Automatique (GIPSA-lab - CNRS/Université Grenoble Alpes), Mauro Dalla Mura développe depuis près de dix ans des méthodes de traitement d’images visant à améliorer les acquisitions issues entre autres de la télédétection satellitaire pour en extraire un maximum d’informations. Nommé membre junior de l'Institut universitaire de France pour une période de cinq ans, le scientifique va mettre à profit ce nouveau statut pour approfondir ses travaux dans le domaine du traitement du signal, des images et de l’intelligence artificielle appliqués à l’observation de la Terre et aux géosciences en les élargissant au champ du développement des capteurs innovants en imagerie computationnelle.
Qu'ils soient embarqués à bord de satellites orbitaux évoluant à plusieurs centaines de kilomètres au-dessus de la surface terrestre ou dans des drones survolant des parcelles agricoles, à moins d’une centaine de mètres d'altitude, les capteurs d’images jouent désormais un rôle essentiel dans la collecte de données scientifiques en lien avec l'environnement. La masse de données que ces dispositifs sont susceptibles de collecter, leur hétérogénéité en termes de qualité et de résolution nécessitent toutefois une étape préalable de traitement pour pouvoir en extraire de l’information utile. C’est l’une des principales missions de Mauro Dalla Mura au sein du GIPSA-lab. Le chercheur italien a été recruté par le laboratoire grenoblois en 2012 comme maître de conférences moins d’une année après avoir obtenu un double doctorat en Information and Communication Technologies de l'Université de Trente (Italie) et en Electrical and Computer Engineering de l’Université d'Islande.
Depuis lors, Mauro Dalla Mura ne cesse de creuser le sillon de l'extraction d’informations à partir de données de télédétection. Dans cette perspective, l'enseignant-chercheur a noué des collaborations avec des scientifiques du GIPSA-lab, comme Jocelyn Chanussot, professeur à l'Université Grenoble Alpes spécialisé lui aussi dans le traitement du signal. Il travaille par ailleurs avec l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (IPAG, CNRS / Université Grenoble Alpes), sur des prototypes de capteurs-imageurs innovants basés sur le principe du spectromètre par transformée de Fourier en se focalisant sur le développement de méthodes de reconstruction d’images. En 2019, le chercheur du GIPSA-lab a également été nommé Specially Appointed Associate Professor pour une période de trois ans au Tokyo Institute of Technology dans le cadre d’échanges interdisciplinaires : « cette collaboration autour de capteurs installés sur des drones est centrée sur l’agriculture de précision. Une fois traitées et analysées, les données recueillies ont vocation à améliorer la gestion des ressources en eau et en nutriments ou à réduire l’utilisation de pesticides sans pour autant diminuer les rendements des parcelles cultivées ».
Ces dernières années, l’enseignant-chercheur a élargi le champ de ses investigations à l’imagerie computationnelle appliquée aux acquisitions hyperspectrales de capteurs innovants. « Cette technique permet de générer des centaines d’images d’une même scène prises dans plusieurs centaines de longueurs d’onde différentes, explique-t-il. Lorsqu’elle est couplée à des techniques de traitement performantes, l’imagerie hyperspectrale utilisée dans le domaine de la télédétection permet d'améliorer la caractérisation des différents matériaux composant une scène. » Dans le but de perfectionner cette technologie très prometteuse, Mauro Dalla Mura coordonne depuis cette année le projet ANR FUsion MULTIspectral imSPOC (FuMultiSPOC). Ce programme de recherche et innovation vise à concevoir un dispositif multi-capteurs miniaturisé capable d'acquérir de manière simultanée une image à haute résolution spectrale et spatiale d'une même scène. Le système se compose d’un imageur instantané de prises de vue hyperspectrales développé par l’IPAG. Cet instrument innovant baptisé ImSPOC est associé à une caméra multispectrale conventionnelle à plus haute résolution spatiale. Cette dernière nécessite le développement de techniques de fusion et de reconstruction d’images pour pouvoir tirer profit de la complémentarité des deux capteurs.
Le projet FuMultiSPOC met en jeu des compétences en traitement du signal et des images, en conception optique ainsi qu’en résolution de problèmes inverses, une approche qui consiste à estimer les variables latentes d’un phénomène à partir des observations expérimentales de ses effets. « Les algorithmes permettant d’extraire des informations pertinentes à partir des données brutes produites par des capteurs computationnels comme ImSPOC jouent un rôle fondamental pour reconstituer les propriétés physiques et la proportion de chacun des éléments composant une scène d'observation, détaille Mauro Dalla Mura. Ceci permet de surpasser les limites technologiques des capteurs conventionnels, à la fois plus lourds et plus coûteux. » En tant que membre junior de l'Institut universitaire de France (IUF), le chercheur entend donner un coup d'accélérateur aux travaux initiés dans le cadre du projet FuMultiSPOC en se focalisant sur les questions méthodologiques communes aux applications en télédétection, en géoscience et en imagerie computationnelle. Alors que les techniques de traitement d’images développées pour les capteurs hyperspectraux innovants pourraient bientôt permettre la traque en continu et à grande échelle des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, d’autres perspectives d’application se profilent à l’horizon comme l’illustre le chercheur du GIPSA-lab : « En exploitant conjointement les connaissances issues des modèles physiques et celles obtenues de manière expérimentale, nous espérons augmenter suffisamment la qualité des images issues de cette nouvelle génération de capteurs hyperspectraux pour améliorer l’estimation de l’état de stress des plantes ou caractériser l’activité sismique à partir de la déformation de la surface terrestre. »