Prix Jeunes Talents France 2020 : L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science
Chaque année, la Fondation L’Oréal récompense l’excellence de la recherche féminine en France et à l’international à travers plusieurs distinctions. En 2020, 35 jeunes chercheuses françaises viennent de recevoir une bourse Jeunes Talents France For Women in Science, dont quatre sont rattachées à des laboratoires de l’INS2I.
Mathilde Legrand - Développer des prothèses pour redonner le goût de la musique ou du sport
Doctorante à l'Institut des systèmes intelligents et de robotique (ISIR - CNRS/Sorbonne Université)
Mathilde Legrand est spécialisée en biomécanique et travaille actuellement au sein de l’ISIR sur les outils de contrôle pour les prothèses de bras à destination de personnes qui sont nées sans bras ou qui ont subi un acte chirurgical d’amputation.
C’est à l’École polytechnique qu’elle se spécialise d’abord en sciences mécaniques. Après une césure au Tchad, où elle participe à un projet humanitaire centré sur l’éducation, elle poursuit ses études d’ingénieure à l’École polytechnique fédérale de Lausanne et effectue un master de biomécanique, afin d’intégrer davantage la dimension humaine à son expertise. Elle y découvre la robotique de réhabilitation – prothèses et exosquelettes, notamment – et des considérations éthiques et technologiques jusqu’alors inexplorées.
Ses travaux de thèse portent spécialement sur le contrôle des prothèses de bras. Désireuse de proposer un contrôle toujours plus simple et compréhensible par les utilisateurs, elle laisse de côté les méthodes « boîtes noires » de machine learning à dessein, et s’inspire davantage de l’analyse du comportement humain. Elle-même adepte de basket-ball et musicienne, elle rêve de permettre, grâce à ses travaux, à des personnes amputées du bras de pratiquer le sport et la musique.
Fière d’avoir réussi à intégrer un milieu où les femmes sont aujourd’hui peu présentes, Mathilde Legrand a elle-même été inspirée et encouragée par une mère docteure en virologie qui s’était vue reprocher sa maternité durant ses travaux de thèse. Quelque chose qui, pour elle, ne devrait plus jamais se reproduire.
Marie-Morgane Paumard - L’intelligence artificielle au service de l’archéologie
Doctorante au laboratoire Équipes Traitement de l'Information et Systèmes (ETIS - CNRS/ENSEA/CY Cergy Paris Université)
Issue d’une famille d’informaticiens, Marie-Morgane Paumard a toujours aimé les ordinateurs. Programmant déjà à 12 ans sur une machine qu’elle avait assemblée elle-même, l’informatique s’est imposée comme une évidence et constitue toujours aujourd’hui une véritable passion.
Après une classe préparatoire, elle choisit d’entrer à l’École normale supérieure de Rennes. Elle est alors la seule femme en informatique de sa promotion. Elle se spécialise ensuite en intelligence artificielle, domaine dans lequel elle effectue son doctorat.
Sa thèse porte sur le remontage automatique de sites archéologiques. Marie-Morgane Paumard conçoit des algorithmes qui permettront de réassembler virtuellement des fragments de monuments et d’objets anciens. La chercheuse entraîne une intelligence artificielle à réaliser des remontages pertinents, qui sauront respecter le sens de l’œuvre, sans se fier à la seule continuité visuelle.
Ses travaux conjuguent de manière originale la compréhension visuelle et l’exploration d’un vaste espace de choix. Marie-Morgane Paumard apporte un éclairage neuf à la résolution de processus décisionnels complexes : loin de se limiter à l’archéologie, ses recherches trouvent des applications en médecine, en biologie du génome ou encore pour la conduite de véhicules autonomes.
Particulièrement attachée au code et à la résolution de problèmes, Marie-Morgane Paumard est aussi une enseignante passionnée et inspirante d’informatique, mais aussi… de danses en couple. Grâce à ses cours où les rôles ne sont pas genrés, elle aime « apprendre aux plus jeunes à prendre confiance en eux ».
Liat Peterfreund - Les mathématiques et les données pour transformer le quotidien
Post-doctorante au Département d'Informatique de l'École normale supérieure (DI ENS - CNRS/ENS/Inria)
Originaire d’Haïfa en Israël, Liat Peterfreund vit sa carrière scientifique comme une vocation. Dès son enfance – qui se déroule non loin du Technion, l’Institut de technologie d'Israël où elle étudiera ensuite – elle fait preuve d’une immense curiosité pour l’environnement qui l’entoure.
D’abord attirée par l’étude des mathématiques qui la séduisent par leur beauté, elle se passionne pour la recherche à la faveur d’un cours de spécialisation en sciences de l’informatique : elle réalise que les mathématiques peuvent être utiles pour la résolution de problèmes de la vie quotidienne. Elle fait du big data l’objet de ses travaux de recherche en master puis en doctorat. « La carrière scientifique m’a choisie », affirme-t-elle.
Les recherches que mène Liat Peterfreund au sein de l’Université Paris-Diderot puis de l’École normale supérieure depuis 2019 se concentrent sur les systèmes de gestion de données complexes et, en particulier, celles produites par l’activité humaine. La jeune chercheuse œuvre à la formalisation de problématiques du quotidien, dans des domaines extrêmement variés. Cette formalisation permet de comprendre et d’analyser les solutions existantes, d’en développer de nouvelles et de poser les fondations du traitement et de l’interrogation des données.
Elle est d’autant plus passionnée par les sciences de l’informatique qu’elle mesure leur propension à nourrir d’autres domaines de la recherche.
À travers le Prix Jeunes Talents, Liat Peterfreund a à cœur de « motiver la jeune génération à révéler son potentiel à travers la recherche et à faire progresser la science ».
Ida Tucker - Allier sophistication et sécurité des systèmes d’information
Doctorante au Laboratoire de l'informatique du parallélisme (LIP - CNRS/ENS de Lyon/Inria/Université Claude Bernard Lyon 1)
Ida Tucker est née à Manchester, au Royaume-Uni, mais c’est à Helette, un village du Pays basque français, qu’elle grandit. Baccalauréat en poche, elle quitte son village d’enfance pour l’Université de Bordeaux, puis l’École normale supérieure de Lyon.
L’intérêt d’une carrière en recherche scientifique s’exprime tard dans le parcours académique de l’étudiante. C’est en master, lors d’un stage dans un laboratoire de recherche à Montpellier, qu’elle se découvre une réelle passion pour la recherche en cryptographie, cette discipline qui offre un parfait équilibre entre mathématiques et informatique. Ida Tucker y trouve des objectifs stimulants sur des sujets contemporains d’envergure, comme l’anonymisation des données confidentielles des utilisateurs de systèmes informatiques.
Depuis une cinquantaine d'années, du fait de l’essor de l’informatique, le rôle de la cryptographie a dépassé le simple chiffrement et déchiffrement de messages confidentiels. La discipline concerne aujourd’hui autant la gestion de données chiffrées que l’utilisation de mesures biométriques : une empreinte digitale peut être interprétée comme la clé secrète d’un utilisateur, permettant de l’authentifier. Ida Tucker conçoit des systèmes cryptographiques à la fois versatiles et efficaces, c’est-à-dire alliant sophistication et sécurité des systèmes.
Une enseignante à l’université, qu’elle décrit comme une femme forte, scientifique d’exception, a marqué le parcours de la jeune chercheuse. Sans cette enseignante, modèle positif, elle reconnaît qu’elle n’aurait peut-être pas poursuivi ses études.
Passionnée de sports de montagne et d’eau vive, Ida Tucker s’épanouit aussi à la flûte traversière au sein d’une fanfare lyonnaise.