Stabiliser les systèmes complexes grâce à l'effet du retard
Dans le cadre du Plan pluriannuel de coopérations avec l’Afrique lancé 2022, le CNRS poursuit son engagement avec huit nouveaux projets co-portés sur le continent. Parmi les sélectionnés, le projet SPECTRE-EDP soutenu par Islam Boussaada, professeur à l’Institut polytechnique des sciences avancées, membre du Laboratoire des signaux et systèmes (L2S - CNRS/CentraleSupélec/Université Paris-Saclay) et Kaïs Ammari, professeur à l’Université de Monastir, membre du Laboratoire d’analyse et contrôle d’EDP (LACEDP/Université de Monastir) interroge la stabilité des systèmes complexes grâce à l’effet du retard.
Le projet Stabilisation prescrite : effet du retard sur les équations aux dérivées partielles (SPECTRE-EDP) propose une approche innovante pour le contrôle des systèmes dynamiques complexes décrits par des équations aux dérivées partielles (EDP). Présents dans des domaines variés comme l'ingénierie des structures flexibles, la mécanique des fluides ou les biotechnologies, ces systèmes sont souvent soumis à des phénomènes complexes tels que la propagation d'ondes ou l'effet du retard. Plutôt qu’une contrainte, le retard est ici exploité comme un levier de stabilisation. En l’intégrant aux lois de commande, SPECTRE-EDP vise à améliorer les performances tout en simplifiant les calculs, une approche avantageuse pour les applications embarquées aux ressources limitées. L’objectif du projet est de développer des méthodes de contrôle robustes, faciles à mettre en œuvre et adaptées aux contraintes des applications industrielles et en temps réels.
SPECTRE-EDP est un projet collaboratif réunissant des expertes et experts de France et de Tunisie, soutenu par le programme CNRS-Africa Joint Research Program pour la période 2024-2028. Les deux porteurs du projet, Islam Boussaada et Kaïs Ammari incarnent cette coopération scientifique et culturelle entre les deux pays. Le consortium regroupe des spécialistes en analyse fonctionnelle et spectrale, la théorie des systèmes et le contrôle des systèmes dynamiques. L’équipe française, au L2S, est reconnue pour son expertise en modélisation et contrôle des systèmes à dimension infinie, avec des applications concrètes en mécanique et ingénierie. Du côté tunisien, l’équipe du LACEDP se distingue par ses avancées théoriques rigoureuses en analyse et contrôle des EDP.
Le projet SPECTRE-EDP s’articule autour de trois axes visant à transformer la théorie en applications concrètes. Le premier axe cherche à étudier le développement théorique de la stabilisation prescrite. Il s'agit d'approfondir la compréhension des propriétés spectrales des systèmes à retard et de concevoir des méthodes efficaces pour assurer leur stabilisation, notamment en maîtrisant la localisation des valeurs spectrales, essentielle pour garantir la stabilité et la performance des systèmes contrôlés. Le deuxième axe concerne la conception de correcteurs à retard et à complexité réduite. L’objectif est de développer des lois de commande adaptées aux contraintes pratiques. Ces correcteurs seront testés sur des structures mécaniques flexibles comme les poutres équipées de capteurs et actionneurs piézoélectriques, permettant ainsi de valider expérimentalement les approches proposées. Enfin, le projet accompagne le développement du logiciel symbolique/numérique P3δ. Déposé auprès de l'Agence pour la protection des programmes en novembre 2023, il a pour objectif la conception de commandes paramétriques et robustes pour le placement partiel de pôles par actions retardées. Le logiciel offre aux chercheurs et chercheuses, ingénieures et ingénieurs un outil pour concevoir et tester facilement des contrôleurs retardés. Ce logiciel intégrera les résultats théoriques du projet et permettra de les appliquer sur des systèmes réels, notamment en automatisant la génération des paramètres de contrôle garantissant des performances certifiées.
Le projet aborde également des enjeux très concrets comme le contrôle des vibrations dans les structures mécaniques, la gestion des réseaux énergétiques, ou encore l’amélioration de systèmes biologiques complexes, comme les bioréacteurs.
En renforçant les échanges entre les laboratoires français et tunisiens, SPECTRE-EDP contribue à une dynamique de collaboration internationale. Les scientifiques impliqués bénéficieront d’une visibilité accrue, tout en partageant leurs expertises respectives. Le projet prévoit également la formation de jeunes chercheurs et chercheuses par le biais de thèses en cotutelle, consolidant ainsi les liens entre les deux pays et préparant la relève scientifique de demain. Par ailleurs, depuis 2023, les porteurs de SPECTRE-EDP coorganisent, en Tunisie, la conférence annuelle CTIP (Control Theory & Inverse Problems) dédiée à la théorie du contrôle et aux problèmes inverses.
Grâce à son approche interdisciplinaire et ses retombées potentielles dans des secteurs clés, SPECTRE-EDP représente une avancée majeure dans le contrôle des systèmes complexes.
