Une peau électronique pour doter les robots du sens du toucher

Résultats scientifiques Robotique

Inspirés par le sens du toucher humain, Youcan Yan, post-doctorant CNRS au Laboratoire d'informatique de robotique et de microelectronique de montpellier (LIRMM – CNRS/Université de Montpellier) et Abderrahmane Kheddar, directeur de recherche CNRS au LIRMM ont imaginé une nouvelle peau électronique permettant aux robots de détecter les forces en trois dimensions. Ce dispositif unique est simple à produire et à calibrer, ouvrant ainsi la voie à des robots plus intelligents et plus sûrs pour les applications médicales.

Dans le quotidien des humains, le sens du toucher est constamment sollicité pour interagir avec le monde. À l’inverse, pour les robots, la perception des forces a longtemps été un obstacle. En effet, les capteurs sensoriels viennent généralement avec des conceptions complexes et nécessitent un étalonnage exigeant, ce qui limite leur application.

Afin de surmonter ces défis, une équipe de scientifiques du LIRMM s’est inspirée des mécanismes naturels. En s’appuyant sur les propriétés de la peau humaine et le principe d'auto-découplage du réseau de Halbach, ils ont développé après deux années de recherche un capteur magnétique flexible capable de dissocier les forces dans trois dimensions. Ce travail a été soutenu par le Défi Clé « Robotique centrée sur l’humain »  financé par la région Occitanie et le CNRS.

La conception du capteur est simple, en trois couches. La première couche est constituée d’un film magnétique souple qui se déforme au contact, favorisant une modification du champ magnétique. Une couche intermédiaire en élastomère sert de coussin, tandis que la dernière couche est équipée d’un circuit imprimé et de capteurs à effet Hall qui détectent les variations du champ magnétique. Cette configuration permet au capteur de mesurer indépendamment les forces normales (perpendiculaires) et les forces de cisaillement (parallèles). 

Leur article publié dans Nature Machine Intelligenceprésente plusieurs démonstrations de cette technologie brevetée. En intégrant le capteur dans une articulation artificielle du genou, les scientifiques ont pu contrôler la manière dont les forces sont réparties pendant le mouvement, un résultat qui aidera les cliniciens à mieux comprendre et traiter les problèmes d’articulations. Dans une autre expérience, le capteur a été utilisé pour guider un robot dans la préparation du café. En appliquant une légère pression et des mouvements de glissement sur le capteur, le robot est capable d’apprendre une séquence de mouvements et de les reproduire de façon autonome, de la fermeture de la pince au versement de l’eau et à l’agitation. La sensibilité du capteur permet aussi au robot de tenir des objets encore plus fragiles, par exemple un œuf, sans les endommager.

Les implications de ces réalisations sont considérables. En robotique, l’intégration de tels capteurs sensoriels pourrait conduire à des machines plus réactives et adaptatives, capables d’exécuter des tâches complexes avec la précision d’un être humain. Dans le domaine de la santé, les prothèses intelligentes ou les genouillères pourraient bénéficier d’un retour de force en temps réel alliant ainsi sécurité et fonctionnalité. En outre, la facilité de fabrication et d’étalonnage du capteur ouvre la voie à son adoption dans les applications de la vie quotidienne, rendant la détection tactile avancée accessible en dehors des laboratoires.

À l’avenir, l’équipe du LIRMM prévoit d’affiner le capteur en optimisant ses matériaux et en l’intégrant dans des systèmes plus sophistiqués, y compris des robots humanoïdes. Cette innovation promet de combler le fossé entre la dextérité humaine et la précision robotique transformant ainsi la façon dont les machines interagissent avec leur environnement.

Structure du capteur sensoriel (trois design différents) et principe de fonctionnnement. | © Youcan Yan

Pour en savoir plus

Yan, Y., Zermane, A., Pan, J. et al. A soft skin with self-decoupled three-axis force-sensing taxels. Nat Mach Intell 6, 1284–1295 (2024). https://doi.org/10.1038/s42256-024-00904-9

Contact

Abderrahmane Kheddar
Directeur de recherche CNRS au LIRMM
Youcan Yan
Post-doctorant CNRS au LIRMM