Véronique Cortier : « Un véritable accélérateur scientifique et un immense enrichissement humain »
Point de vue sur l’aventure ERC de Véronique Cortier, directrice de recherche au sein du Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (Loria - CNRS/Université de Lorraine/Inria), lauréate d’une bourse ERC Starting Grant en 2010.
Mon ERC ProSecure a débuté en février 2011 pour se terminer début 2016.
Il s’agissait de développer des modèles et des techniques pour analyser la sécurité des protocoles cryptographiques, ces programmes qui sécurisent les communications sur Internet. L’ERC m’a permis d’étudier plusieurs sujets à la fois alors qu’en temps normal, j’aurais probablement été obligée de les aborder les uns après les autres et probablement en laisser de côté. Une surprise, et probablement la plus importante retombée de ce projet à mes yeux, est le développement de mes recherches dans le domaine du vote électronique. Alors que ce sujet n’était, au début du projet, qu’un cas d’application des techniques développées, il est devenu au fil du temps un sujet de recherche à part entière. Nous avons pu développer des résultats allant de la théorie à la pratique, avec le développement d’une plateforme de vote en ligne, Belenios, qui garantit la transparence du scrutin tout en assurant la confidentialité des votes. L’ERC a contribué à cette réussite de deux manières. Tout d’abord, le projet m’a permis d’embaucher un chercheur senior travaillant sur ce sujet, pour une durée de trois ans, alors qu’il est en général très difficile de financer un contrat de ce type en France. D’autre part, l’ERC laisse une très grande liberté sur l’évolution des recherches : il n’y a aucun livrable à fournir, seulement un court rapport à mi-parcours et en fin de projet pour expliquer ce qui a été réalisé et les évolutions apportées. Il est donc possible de diriger ses recherches où l’on veut, du moment que l’on sait le justifier.
Plus généralement, l’ERC vous donne beaucoup d’argent pour faire toute la recherche que vous voulez. Pendant cinq ans, il n’est plus nécessaire de courir après les financements. Les contraintes sont très faibles. Ce sont des conditions de travail idéales. En contrepartie, cela vient avec le sentiment d’une lourde responsabilité : s’assurer que cet important financement public est dépensé au mieux et dans le temps imparti. Un autre avantage d’un projet ERC est sa visibilité et sa sécurité financière : cela m’a permis de m’entourer de collaborateurs très pointus, avec des recrutements prévus sur plusieurs années. Le fait de savoir à l’avance que l’on bénéficie d’un large financement aide à attirer de bons candidats, que l’on peut repérer à l’avance. Construire ainsi une petite équipe de recherche autour de soi est un véritable accélérateur scientifique et un immense enrichissement humain. Bien sûr, le travail à fournir est considérable pour interagir alors avec les doctorants, post-doctorants et chercheurs plus seniors ainsi recrutés et la recherche des futurs collaborateurs n’est pas une tâche facile.
L’ERC a aussi certainement joué sur ma carrière. Grâce à une plus grande visibilité, davantage de publications de haut niveau, je suis devenue directrice de recherche à 32 ans et j’ai obtenu le prix Inria - Académie des sciences du jeune chercheur en 2015. Cerise sur le gâteau, Steve Kremer, responsable de notre équipe de recherche Pesto au sein du Loria, a également décroché une ERC… nous pouvons donc continuer à travailler, en toute sérénité !