Yacine Chitour et les multiples facettes de la théorie du contrôle
Déjà nommé à l’Institut universitaire de France en 2018, Yacine Chitour a été renouvelé à sa chaire fondamentale senior. Pour ce professeur à l’Université Paris-Saclay et membre du L2S, ce sera l’occasion de mener deux projets de recherche. Le premier concerne la robotique molle, tandis que le second se concentre sur le contrôle d’équations différentielles hyperboliques.
La théorie du contrôle étudie le comportement des systèmes dynamiques, régis par des équations plus ou moins complexes. « Je m’intéresse au contrôle géométrique, au contrôle optimal et au contrôle des équations aux dérivées partielles, se présente Yacine Chitour, professeur à l’Université Paris-Saclay et membre du Laboratoire des signaux et systèmes (L2S - CNRS/CentraleSupélec/Université Paris-Saclay). Mes travaux ont par exemple trouvé des applications en robotique, avec la planification de trajectoires ou la commandabilité d’objets roulants. Je me suis d’abord attaché à la robotique humanoïde, et en particulier aux exosquelettes, mais je m’oriente progressivement vers la robotique molle. »
Riche en applications et en cas d’usage, la théorie du contrôle a également amené Yacine Chitour à collaborer avec des chercheurs en neurosciences sur la modélisation des hallucinations. Il s’agissait de faire le lien entre des expériences où des hallucinations étaient artificiellement provoquées, par des flashs lumineux ou des drogues, et des modèles mathématiques représentant le fonctionnement du système nerveux.
En collaboration avec Dario Prandi, chargé de recherche CNRS au L2S, et Cyprien Tamekoue, qui vient d’obtenir son doctorat sous leur direction, Yacine Chitour a ainsi montré que les effets Mac-Kay et Billock-Tsou, où des clignotements font apparaître des motifs en rayons ou en cercles, pouvaient être reproduit à partir de l’équation de Wilson–Cowan, qui offre depuis les années soixante un modèle de l’excitation et de l’inhibition de neurones. « Le signal qui déclenche l’hallucination est considéré comme un contrôle, c’est-à-dire un moyen d’agir sur un modèle, précise Yacine Chitour. Nous avons apporté des preuves mathématiques que ces sources d’excitation amenaient bien aux hallucinations prévues. »
En 2018, Yacine Chitour a bénéficié d’une première chaire à l’Institut universitaire de France (IUF). Il s’était alors intéressé à la compréhension des phénomènes de friction dans le cadre de la robotique humanoïde. Il avait également abordé les systèmes à commutation linéaire, en particulier en dimension infinie. Cette chaire fondamentale sénior a été renouvelée cette année et, cette fois-ci, Yacine Chitour va s’attaquer à de la robotique molle et au contrôle d’équations différentielles hyperboliques.
« Ces dernières équations sont bien connues quand elles concernent un espace LP où P = 2, détaille-t-il. Ce cas de figure se retrouve par exemple lorsque l’on veut mesurer l’énergie d’une onde. Mais au-delà de P = 2, les méthodes classiques s’avèrent souvent inopérantes. Je veux explorer des situations où P a d’autres valeurs, et plus particulièrement quand P égale l’infini. C’est ce que l’on utilise si l’on souhaite comprendre l’amplitude d’une onde. »
Yacine Chitour cite alors comme exemple l’étude de la propagation des ondes sismiques ou le forage pétrolier. Dans cette seconde application, des câbles de plusieurs kilomètres de long parcourent des tubes pour relier le foret à la machine qui le contrôle. Avec les vibrations du creusement et différents phénomènes de retard, les câbles vont onduler et risquer de taper contre les parois, entraînant une perte de contrôle. L’amplitude de leurs mouvements doit donc être maîtrisée malgré les conditions extrêmes auxquelles sont soumis les câbles.
Sur le volet de la robotique molle, Yacine Chitour veut apporter sa vision de l’automatique et de la théorie du contrôle aux travaux de Frédéric Boyer, professeur à IMT Atlantique et membre du Laboratoire des sciences du numérique à Nantes (LS2N, CNRS/Centrale Nantes/Nantes Université). Ce dernier est reconnu pour ses robots bio-inspirés, en particulier capables de nager et capables de se diriger en détectant des champs électriques.
« Je compte trouver des réponses théoriques aux questions soulevées par ce pionnier de la construction et de la modélisation de robots mous, conclut Yacine Chitour. La difficulté tient au fait que ces solutions font intervenir des équations aux dérivées partielles hyperboliques dans des espaces non euclidiens. »